La petite sœur des chiffonniers
Tu trouveras le soleil
Dans le cœur des enfants
Sans nulle autre joie pareille
Ni sentiment plus grand
Un mot d'amour à l'oreille
Peu dans chacun réveiller un volcan
Pour qui l'entend
Yalla
Yalla
Madeline Cinquin à qui Calogero rend hommage en chanson, est née le 16 novembre 1908, à Bruxelles, Belgique. Franco-belge, issue d’une famille aisée, Madeleine est fortement marquée à l’âge de six ans par le décès de son père qui se noie sous ses yeux à Ostende dans une mer agitée. Cette expérience d’impuissance et de mort sera fondatrice de sa vie spirituelle. En son for intérieur, elle sait que sa vocation de religieuse est née ce jour du 6 septembre 1914.
Elle devient sœur Emmanuelle dans une congrégation enseignante, l’ordre de Notre-Dame de Sion. Après des lustres passées à enseigner les enfants en France, en Turquie et en Tunisie, elle choisit de mettre sa vie au service des enfants miséreux.
Ceux qui l’ont connue de son vivant se souviennent de cette religieuse, petite et hyperactive dont l’aiguillon était la dilection, l’amour spirituel porté au prochain. Imprégnée des Pensées de Blaise Pascal, son maître à penser, elle prend conscience que Dieu n’est pas une évidence rationnelle, Il est dans les cœurs, Il est en moi et dans le visage de l'autre. Celle qui cherchait une preuve rationnelle de l’existence de Dieu est enfin apaisée, Il n'y a pas de preuve définitive de l'existence de Dieu. Soit tu renonces à croire, et ce sera douloureux ; soit tu fais le pari que Dieu existe, et si tu te trompes, tu ne risques rien, toujours Pascal.
C’est à 62 ans, l’âge de prendre sa retraite qu’elle s’installe au Caire, en Égypte et qu’elle déploie tous les moyens pour soulager la misère des indigents et semer la joie autour d’elle. Vivant avec les plus miséreux dans un bidonville parmi les ordures, les rats et les cochons, sans eau ni électricité, elle est enfin heureuse car elle ne vit plus comme une privilégiée. Au fil de vingt-deux années de vie dans un total dénuement, ses réalisations caritatives s’enchaînent, ouverture d’écoles, dispensaires, ateliers, jardins d’enfants. Elle monte avec l’aide des indigents desquels elle s’occupe, une usine de compost où les ordures sont transformées en engrais et revendues aux agriculteurs. Cette dernière restera son œuvre majeure à laquelle désormais elle devra d’être pour la postérité La petite sœur des chiffonniers.
Son charisme, sa personnalité pétillante, son humour jovial ne passent pas inaperçus, sa vie sur le terrain en font une icône en Égypte. Elle tutoie grands et petits, bouleverse les consciences, remue les cœurs, pour elle, il n’y a pas de fatalité. Dans son livre, Vivre, à quoi ça sert ? Elle répond, chacun de nous doit changer une petite chose dans le monde avant de s’en aller, sinon la vie ne sert à rien. Elle ajoute, Il suffit d’aimer. Yalla, en avant, devient son mot de ralliement. Jamais s’arrêter dans la vie, toujours courir, s’acharner, alors, on est toujours vainqueur, pas de stop, jamais. En 1991, le président Moubarak lui accorde la nationalité égyptienne en remerciement de son œuvre au Caire.
Dans ses entrevues, elle s’insurge contre l’injustice. Comme solution à la misère, elle prône le partage du superflu pour qu’il y ait moins d’injustice, partager davantage, se priver de temps à autre d’un plaisir pour qu’un enfant quelque part dans le monde ne meurt pas de faim. Vers la fin de sa longue vie, elle se révolte contre le fait de vivre dans une chambre à elle toute seule dans une maison de repos en France, tandis que chez nous, dans le bidonville on n’avait rien.
Sœur Emmanuelle marque les esprits. L’acteur Michel Lonsdale l’a décrite comme une personne libre, forte, habitée par une force surnaturelle. Elle est une femme parmi les femmes, mais une femme qui veut faire la différence. Elle n’est pas une étoile filante, elle est Sirius, l’étoile la plus brillante du firmament veillant sur une humanité en souffrance, l’éclairant de sa lueur d’espérance en lui apportant réconfort et soulagement. Œuvrer, soulager les douleurs, éduquer les enfants, les sauver de la mort, pallier les manques des nécessiteux mais surtout laisser une œuvre pérenne.
La petite sœur des chiffonniers est partie rassurée au royaume de l’Amour le 20 octobre 2008, à 99 ans. Son œuvre lui survit avec ASMAE (Les amis de sœur Emmanuelle) qui assure la pérennité de son action caritative aux quatre coins du monde, au Soudan du Sud, au Sénégal, aux Philippines, en Haïti, au Liban et d’autres pays.
Tu trouveras le soleil
Dans le cœur des enfants
Sans nulle autre joie pareille
Ni sentiment plus grand
Yalla
(Photos Getty Image)
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