En quête de spiritualité dès son plus jeune âge, Fouad a longtemps tenté de trouver une réponse à son questionnement existentiel en se réfugiant dans la littérature et la poésie à contenu philosophique. Il avait lui-même pour habitude d’écrire des poèmes qui faisaient état de sa recherche sur le sens de la vie. Cherchant plus d’authenticité et de simplicité dans un monde où la société a, selon lui, rendu les choses plus difficiles qu’elles ne pourraient l’être, il endossait son rôle social sans grande conviction. Au début des années 1990, il s’est intéressé aux écrits de Saint-François d’Assise et à la littérature des sages hindous comme Anandamayi Ma ou Krishnamurti. C’est grâce aux Védas, les textes sacrés qui sont à l'origine de la religion hindoue et à la base de la spiritualité indienne, qu’il a trouvé la voie qui lui permettrait d’entrer en contact avec la dimension intérieure universelle. Il ne lui manquait plus qu’un guide spirituel qui l’aiderait à mieux assimiler ces notions.
Fasciné par les mahatma (“grande âme” en sanskrit, un nom donné aux leaders spirituels), il rencontre Amma en 1992, alors qu’elle était en déplacement à Assise en Italie. Dès que leurs regards se sont croisés, Fouad a eu la sensation d’avoir toujours connu celle dont la particularité est de porter en elle un amour maternel dirigé vers chacun. En l'étreignant, la gourou lui a apporté un sentiment de paix intérieure et de contentement mais il ne savait pas encore qu’un jour, il allait tout quitter pour commencer une nouvelle vie faite de méditation et de solidarité active auprès d’Amma en Inde.
Mata Amritanandamayi Devi, plus connue sous le nom d’Amma (ce qui signifie “maman” dans plusieurs langues indiennes), est considérée comme une sainte en Inde et vénérée jusqu’en Occident pour sa capacité à procurer de la sérénité à ceux qui l’entourent. Celle que les médias internationaux ont surnommé “the hugging saint” a fait de l’étreinte sa marque de fabrique.
Née en 1953 dans une famille pauvre de pêcheurs du Kerala, Amma s’est découvert des talents spirituels dès l’enfance. Sans que personne ne l’ait initiée à l’expérimentation mystique, elle méditait spontanément pour chercher en elle la présence divine continue. Faisant fi des conventions sociales liées au système de caste et à son statut de femme, elle allait régulièrement proposer ses services pour aider les autres villageois pauvres et naturellement, elle a commencé à enlacer les gens pour leur apporter réconfort et bonheur par la seule force d'une étreinte. Dès l’âge de vingt ans, elle comprit qu’elle dédierait sa vie aux autres. En Inde, la tradition veut que l’on vénère en tant que manifestation du divin, une personne qui rayonne d’une faculté d’amour et d’une sagesse particulière. Nombreux sont ceux qui se mirent à se déplacer des quatre coins de l’Inde pour recevoir son darshan. Dans la religion hindoue, le darshan est le moment où le dévot est en contact visuel direct avec l’idole d’un dieu ou un maître spirituel vivant, ce qui lui permettrait d’en recevoir la bénédiction. En Inde, où le système des castes limite les contacts physiques entre individus, certains étant jugés moins “purs” que d’autres, les maîtres spirituels ne touchent pas les disciples et le darshan est habituellement limité à un contact visuel. Amma, elle, bouscule les codes en accueillant tout le monde à bras ouverts.
La notoriété d’Amma ayant dépassé les frontières du sous-continent indien, elle parcourt le monde depuis 1987 pour proposer des assemblées au cours desquelles elle guide des méditations, partage ses enseignements spirituels et délivre son fameux câlin. A ce jour, elle aurait enlacé près de 40 millions de personnes. Les tournées d’Amma sont prises en charge par l’organisation internationale qu’elle a fondée, la Mata Amritanandamayi Math (M. A. Math) qui opère sous le nom de Embracing the World (ETW), un réseau international à but non lucratif d'oeuvres caritatives. Celui-ci se ramifie en plusieurs filiales locales qui mènent parallèlement des actions de bienfaisance. En effet, grâce à des dons et à l’aide d’un grand nombre de volontaires, Amma a fondé un des plus larges réseaux d’œuvres caritatives en Inde, investi d’une mission sociale, humanitaire et éducative qui se traduit par la création d’orphelinats, d’hôpitaux, d’universités, d’écoles, la reconstruction de maisons après des catastrophes naturelles ou encore la distribution de biens de première nécessité. En juillet 2005, ETW a obtenu le statut d’organisation non gouvernementale consultative auprès du Conseil économique et social de l’Organisation des Nations unies (ONU). Trois ans auparavant, l’ONU avait décerné à Amma son prix Gandhi-King pour la paix et la non-violence.
Figure de la spiritualité et de l’aide humanitaire, Amma a formé autour d’elle une communauté de disciples à qui elle délivre une initiation spirituelle au sein de son ashram, ouvert en 1982 à Amritapuri (Kerala). Celui-ci accueille une communauté d'indiens et d'étrangers, dont Fouad Nassif, et où chaque membre se donne pour objectif d’atteindre la plénitude personnelle.
Après sa première rencontre avec Amma en 1992, Fouad l’avait retrouvée à deux reprises, en Angleterre et aux Etats-Unis, mais en 1994, il saute le pas et décide de passer deux mois au sein de son ashram en Inde. Il avait longtemps été dubitatif à l’idée de se rendre en Inde, un pays qui, dans son esprit, était alors associé au manque d’hygiène, à la pollution et aux maladies. Ce premier voyage lui permettra de déjouer ses préjugés et il se sentira finalement parfaitement à son aise dans un pays souvent considéré comme étant particulièrement propice à l’éveil spirituel. En 1996, alors qu’il est âgé d’une trentaine d’années, Fouad fait le choix de se couper des distractions de l’existence pour se consacrer pleinement à son désir “d’aller chercher au plus profond de lui-même” : il décide de faire d’Amma la priorité de sa vie et passera dès lors le plus clair de son temps à l’ashram. Sur place, il se soumet avec enthousiasme à la discipline stricte qui est imposée aux disciples, entre réveil matinal, nourriture frugale, méditation quotidienne, yoga et service désintéressé (seva). A l’ashram, les volontaires se relaient pour effectuer les tâches quotidiennes. Fouad s’est lui spécialisé dans l’accueil des visiteurs occidentaux et a régulièrement offert ses services en tant que traducteur. Il était également responsable de gérer l’aspect logistique des déplacements d’Amma et de ses disciples. Dorénavant, il s’occupe de la communication externe d’Embracing The World : il alimente le site internet et joue le rôle d’intermédiaire avec la presse.
Cette présence continue auprès d’Amma a permis à Fouad d’assimiler des messages spirituels et à terme, d’atteindre un certain épanouissement personnel. Après de longues heures passées à méditer sur la question, il parvient désormais à maintenir un état de paix intérieure quelles que soient les circonstances qui l’entourent. Surnommé Priyan (“le bien-aimé”) par Amma, Fouad Nassif a compris que le bonheur ne devait pas dépendre d’éléments extérieurs à soi car cela s’accompagnerait inévitablement de la peur de les perdre. Or, toute forme extérieure à soi a une fin. Par conséquent, le véritable bonheur devrait reposer selon lui sur l’harmonie intérieure de la personne et dépendre de sa capacité à accepter la nature changeante et éphémère de toute chose. Bien qu’à l’ashram, l’idéologie derrière les enseignements prodigués et les rituels pratiqués soient liés à la tradition hindoue, Fouad Nassif- Priyan insiste sur l’aspect universel du message d’Amma, où l’accent est mis sur la spiritualité. Il partage avec nous sa vision critique de la religion en tant que dogmes, normes et rituels : “les religions sont devenues des outils de pouvoir et peinent à jouer le rôle d’inspirateur spirituel. On oublie trop souvent que l’origine de toute religion, c’est l’amour”.
A présent, Priyan fait des allers-retours réguliers entre l’Inde et le Liban, où il partage son expérience spirituelle aux autres afin d’insuffler en eux l’énergie positive qui l’emplit. Lorsqu’on lui demande comment parvenir à préserver sa paix intérieure dans cette période chaotique que traverse le Liban, il nous répond qu’il faut continuer à agir par devoir sans attente de résultat et ne pas tomber dans le piège de la réactivité afin ne pas devenir négatif. “D’un autre côté, peut-être que c’est l’opportunité pour nous de nous rendre compte des aspects négatifs du matérialisme. Seulement, je doute que les Libanais tireront des leçons de cette situation, il en faudrait encore plus. Néanmoins, ils vont peut-être commencer à réfléchir à l’importance de focaliser notre énergie sur des valeurs profondes plutôt que de nous attacher à des choses superficielles et de perdre notre temps à lutter contre ce que l’on ne peut pas changer, ce qui génère davantage d’énergies négatives. Il faut apprendre à vivre pleinement le moment présent en étant attentif à ce qui nous entoure, notamment à la nature”.
Pour plus d'infos: Amma.org et amma.lebanon@gmail.com
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