Le prix littéraire Ziryab revient pour sa huitième édition
13/10/2022|Maureen Dufournet
D’où vous est venue l’idée de ce prix ?
Je suis depuis toujours passionnée de «gastronomie culture », c’est à dire de la cuisine qui raconte un pays, une maison, des gestes et des traditions. La transmission est importante pour moi ; c’était le sujet de ma thèse du cursus des Hautes Études du Goût et de Gastronomie que j’ai effectuée à l’université de Reims et c’est le fil conducteur de mes propres ouvrages. Je trouve que c’est délicieux d’aborder l’humain à travers ce qu’il aime mettre dans son assiette, cette mémoire du ventre qui nous rattache à notre premier contact au monde, à notre enfance, à ce pays que nous n’oublions jamais.
Et puis la nourriture est un liant social extraordinaire. Je lis les ouvrages gastronomiques comme des romans et porte une grande attention à la cuisine des pays du monde que je visite. Je vais dans les marchés comme nous allons dans un musée, ces lieux de vie racontent magnifiquement l’Histoire.
Pour ce qui est de la genèse du prix, elle est née petit à petit. Dans les salons du livre francophone, la place de la littérature gastronomique prenait de plus en plus de place mais n’avait pas de prix qui lui était attachée. Au cours d’une table ronde sur le sujet de la gastronomie, que je partageais avec Andrew Maalouf et Farouk Mardam bey au Salon du livre de Beyrouth en 2013, j’ai décidé de lancer le prix. Je l’ai nommé ainsi par affection pour Farouk et en référence à son ouvrage La Cuisine de Ziryab, publié chez Actes Sud qui retrace l’histoire d’un musicien esthète et grand gourmet témoin des fastes de la cours des Omeyyades.
Comment sont choisis les ouvrages retenus ? Qui compose le jury ?
Nous recevons chaque année des dizaines d’ouvrages mais ne sont retenus que ceux qui répondent aux critères du prix. C’est-à-dire ceux qui racontent une belle histoire de transmission ou de traditions en cuisine et ne se contentent pas seulement de donner des recettes. Des photos joliment faites et un beau texte littéraire sont bien sûr un plus.
Le jury est composé de douze personnes, des personnalités du monde gastronomique et littéraire à la fois libanaises et françaises. De plus, la tradition du prix consiste à proposer au gagnant de se retrouver dans le jury de l’année suivante. Guy Martin, chef du Grand Véfour à Paris, fut le premier lauréat du prix Ziryab et nous a ainsi accompagné durant plusieurs années.
Selon vous, quelles sont les caractéristiques d’un bon ouvrage culinaire ?
Un bel ouvrage culinaire doit réunir pour moi un très beau texte doublé de belles images. Il doit savoir transmettre des goûts et du rêve, il doit vous emmener en voyage à travers l’histoire d’une personne, d’un lieu… À part le livre lauréat de cette année, qui est un exploit de persévérance et de travail, que ce soit par son histoire, ses photos ou encore ses recettes, un autre ouvrage a retenu notre attention. Une vie par le menu, qui retrace le parcours extraordinaire de Bernard PACAUD chef de l’Ambroisie à Paris, admirablement écrit par Frédéric Laffont nous a beaucoup touché et obtient cette année le prix coup de cœur du jury.
Pouvez-vous nous expliquer rapidement les moments clés de cette remise de prix ?
Le dîner ZIRYAB qui aura lieu le jeudi 20 octobre au café des lettres sera un moment important. Il sera animé par Loïc Ballet journaliste gastronomique passionné, vedette de Télématin sur France 2 et reporter sur France 3. Le menu en sera bien sûr Ziryabesque avec une petite touche historique amusante et le talent du chef Ramzi Choueiri en esquissera les contours. Il est amusant de voir comment les produits que nous consommons aujourd’hui ont traversé le temps et se sont habillés selon les époques. Le dîner sera ponctué de lectures de textes choisis à travers la littérature gastronomique et lus par divers protagonistes tout âge confondu. Nous partagerons ainsi ce moment avec Alexandre Dumas, Colette, Rabelais, etc. pour donner encore plus de goût à la soirée. La remise du prix se fera quant à elle au musée Mim, animée par plusieurs dégustations de produits artisanaux libanais, issus de la vigne et du terroir. Faysal Saab présentera le domaine Al Haush où l’agrotourisme est roi. Frédéric Abi Khalil avec Arak Farid, rend hommage à son grand pèretrès apprécié aujourd’hui en Europe parce qu’il a su bousculer le traditionnel arak en lui insufflant créativité et senteurs. Il y aura les vins domaine Ard Youssef, de Youssef Haidar, issus de cépages anciens et uniques ou encore les filles de Tanios avec un sumac extraordinaire. Et bien sûr, la cerise sur le gâteau : la visite du musée Mim par petits groupes toujours menée de main de maître par la verve de Salim Eddé.
Quels sont vos futurs projets après l’organisation de cette remise de prix ? Les futures innovations pour l’édition de l’année prochaine ?
Les réunions gourmandes de l’année prochaine, toujours parisiennes, sont déjà fixées. Le prix étant voulu comme un pont culturel entre Paris et Beyrouth : pensé dans la capitale française et remis dans celle libanaise. À ce jour j’ai déjà reçu quinze ouvrages tous plus beaux les uns que les autres. Un, en particulier, est une véritable bible. Il raconte 5000 ans d’histoire de la table en Méditerranée en 1300 recettes et histoires, écrit par Mireille Sanchez et il vient de paraître chez Flammarion.
L’innovation depuis cette huitième édition est la présence d’un grand chef qui sera dorénavant à titre honorifique le parrain de l’édition. Nous avons choisi pour inaugurer cela, le chef Andreas Mavrommatis, gardien d’une très belle tradition culinaire grecque, originaire de Chypre et chef étoilé Michelin. Les voyages gastronomiques sont aussi au programme, la curiosité la découverte et l’émerveillement constituant les principales motivations du prix, mais ils restent top secrets pour l’instant !
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