Amélie d’Arschot-Schoonhoven est une historienne et conférencière belge, auteur du Roman d’Héliopolis paru en 2018. Comtesse belge, descendante de Boghos Nubar Pacha un diplomate arménien, ses travaux de recherche s’axent autour de l’Égypte. Dans cet ouvrage, elle traite de la ville d’Héliopolis en Égypte faisant partie dorénavant de la ville du Caire. Le 22 février, l’historienne tiendra une conférence au Musée archéologique de l’AUB afin de présenter cette ancienne ville méconnue du grand public. Avant cet événement, l’Agenda culturel s’est entretenu avec la conférencière afin d’en savoir un peu plus sur ses travaux et sur Héliopolis. 

 Qu’est-ce que Héliopolis et quelle est son histoire ? 

Héliopolis, la ville du soleil, était considérée comme le centre le plus important de l'Égypte ancienne, dédié du culte du soleil. Son espace sacré était même plus étendu que celui de Karnak. La ville ne fut cependant pas un centre politique ni même un lieu de sépulture pour les pharaons. Cette ville reconnue par les lettrés et les philosophes, fut en grande partie détruite et tomba ensuite dans l’oubli sous les Ptolémées.

En 1905, le capitaine d'industrie belge, le baron Edouard Empain s'associa avec l'homme d'affaires Boghos Nubar Pacha pour la construction d'une nouvelle ville, dans le désert égyptien à une quinzaine de km de Caire. Edouard Empain craignant de construire au-dessus des ruines de l'antique Héliopolis, prit à sa charge des fouilles archéologiques dans la région. L'ancienne cité était plus au Nord, aussi les deux hommes d'affaires purent-ils mener à bien la réalisation magistrale de la nouvelle ville. On pourrait évoquer une utopie du XXe siècle ! Imaginer une nouvelle ville, traversée de grands espaces verts en plein désert ! Partir d'une page blanche et créer un style nouveau et typique : le style héliopolitain. Reliée au Caire par des lignes de trains et de tramways, la ville va être construite à une vitesse impressionnante. Tout est conçu pour la villégiature : golf, champ de courses, Luna Park.

Le premier aérodrome d'Afrique y sera construit. La beauté des maisons, palais et hôtels amène les résidents à s'y installer.

Ce qui est surtout frappant dans le cas d'Héliopolis, c'est de constater la tolérance religieuse qui régnait entre les différents cultes. Au centre de la ville, se trouvait une basilique chrétienne, et non loin de là, des églises grecques orthodoxes, arméniennes, mosquées et synagogues. 

La Héliopolis d’aujourd’hui conserve une bonne partie des bâtiments emblématiques des années 1920. Cependant, je le montrerai lors de ma conférence, des bâtiments modernes gâchent les perspectives, d'autres plus anciens sont malheureusement détruits.

Les espaces verts sont rétrécis et la promotion immobilière constitue un grand danger.

Pourquoi avez-vous voulu écrire un ouvrage sur ce sujet ? 

Depuis une quinzaine d'années je donne des conférences historiques et lors d'un de mes exposés, se trouvait dans la salle le directeur de la foire du livre de Bruxelles. Il est venu me trouver à l'issue de ma conférence me disant : "Si vous écrivez de la même manière dont vous parlez, je suis votre éditeur" ! J'ai eu ce privilège d'avoir convaincu un éditeur avant même d'écrire la première ligne ! Le sujet me paraissait évident car je voulais transmettre à mes trois filles et mes deux petits-enfants, l'histoire de ma famille.

Mon arrière-grand-mère, la comtesse d'Arschot Schoonhoven était la fille de Boghos Nubar Pacha, l'associé d'Edouard Empain. 

La famille possédait un superbe palais à Héliopolis, d'autres au Caire et à Choubrah mais tout cela fut nationalisé par Nasser dans les années soixante.

Je me suis intéressée à la genèse de la ville, ma question étant de comprendre comment et pourquoi deux hommes d'affaires avaient décidé de construire une nouvelle ville ex nihilo en plein désert.

Comment se sont déroulés vos travaux de recherches ? Sur quelles archives vous êtes-vous appuyé afin de mener vos travaux ? 

Je me suis d'abord procuré tous les livres possibles sur le sujet et sur l'Égypte à l'époque des Khédives. Cela sous-entend, des années de recherches et d'étude. J'ai pu dénicher des documents très difficiles à trouver et mes recherches furent contagieuses car beaucoup de personnes m'ont aidé : des anciens habitants d'Héliopolis ont pu me donner des témoignages précieux. J'ai constitué une grande collection de cartes postales et photographies anciennes qui me furent indispensable pour mes descriptions de la ville.

Par chance en 2005, lors du centenaire de la ville, de nouvelles publications furent éditées.

Grâce à mes activités à la Villa Empain, je fus amenée à rencontrer Marie-Cécile Bruwier, remarquable archéologue et ses travaux m'ont grandement aidée.

Mes nombreux voyages en Égypte et à Héliopolis et mes conférences ont constitué aussi une mine de renseignements qui complètent mes exposés.

Est-ce que la ville d’Héliopolis constitue dans votre famille un héritage mythique, une certaine fascination ? 

Je crois que dans ma famille, je suis la plus passionnée par le sujet. Il y a certes une fascination, mais aussi de profonds regrets d'avoir dû quitter le pays. Il y a une phrase qui dit que « ce sont les hommes qui construisent les bâtiments, mais que ce sont les bâtiments qui construisent les hommes ». J'aime cette phrase, ce que mon aïeul a construit, ne sera peut-être pas aussi éternel que les temples de Karnak, mais ils demeurent.

Quels sont les autres sujets qui vous intéressent et avez-vous d’autres projets actuellement ? 

Mes sujets de conférences sont très variés car je suis intéressée par différentes époques, entre des personnages clés de l'histoire de l'Europe comme Charles Quint, Marguerite d'Autriche ou Guillaume d'Orange, j'ai pour les moments une série de conférences sur la collectionneuse Peggy Guggenheim, la peintre Frida Kahlo et la sculpteure Germaine Richier.


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