C’était votre premier séjour au Liban. Quelles en sont vos impressions ?
Je venais avec une idée du Liban tel que décrit dans la littérature et dans la presse. Je n’avais en fait aucune idée du véritable Liban. J’ai ressenti un pays soumis à une forme de schizophrénie, passant de la beauté à la laideur, de la richesse à la pauvreté, le tout incroyablement mélangé. Quelque chose de bien plus fort que le simple « pays de contrastes », où tout semble finalement se passer assez paisiblement, chacun trouvant normal de vivre entre un immeuble ultra moderne et un immeuble détruit, entre des gens qui n’ont rien et d’autres qui ont tout. Comme un mélange, organisé, admis, subi. Et toujours à l’esprit cette phrase trouvée dans un ouvrage, « le pays du c’est dommage ». Je n’avais pas compris cette phrase en la lisant et elle prend toute sa valeur une fois passé quelques jours au Liban. Je ne vais pas prétendre avoir compris le Liban après une semaine de séjour, mais j’ai quand même pris conscience de certaines choses.
Vous avez reçu pendant cinq jours des élèves violonistes libanais qui, eux parlent de cette masterclass comme d’un moment privilégié et unique. Comment s’est passé le contact entre vous ?
Au début ils étaient très tendus et je pense que je l’étais aussi. Il fallait nous apprivoiser mutuellement, parce que je n’ai absolument pas une vision professorale du travail. L’autorité et la hiérarchie ne rentrent pas dans mon ADN. Je voulais d’abord établir un contact humain pour que l’on puisse apprendre à se connaître et travailler dans le respect et aussi dans le rire. A partir de là nous pouvions commencer à échanger.
C’était donc une semaine d’échanges ?
Absolument et c’est ainsi qu’ils l’ont ressenti. Au départ, ils pensaient venir prendre un cours de violon. C’était évidemment le sens premier de ma présence, mais ce n’était pas l’essentiel. Nous avons été bien au-delà.
Le niveau des élèves était celui que vous attendiez ?
Je ne m’attendais à rien. Je ne savais pas. Je me doutais bien qu’ils avaient quand même un certain niveau, au vu des œuvres pas toujours faciles (et même parfois très difficiles !) qu’ils avaient choisies. Le programme demandait une certaine exigence et le niveau était assez homogène, avec certaines variantes liées à leur parcours et au fait qu’une partie d’entre eux, au vu de la situation au Liban, n’a plus de professeur ! Et je me demandais « mais comment arrivent-ils à maintenir ce niveau ? ». Il est vrai qu’aujourd’hui il y a youtube qui peut constituer un outil, mais cela peut aussi mener à développer certains défauts. En tout cas le niveau général était suffisamment bon pour avoir une marge de progression intéressante.
Qu’avez-vous pensé du concert ?
Presque tous ont été meilleurs à la répétition générale qu’au concert, ce qui est normal. Arriver devant un public, dans le silence et la proximité, avoir le trac, être livré à soi-même… En revanche, s’ils ont fait quelques petites erreurs qu’ils n’avaient pas faites à la générale, ils ont tout mis en pratique le jour du concert, tout ce que nous avions travaillé pendant la semaine. Et ça, c’était vraiment extraordinaire.
Mario Rahi, premier violon de l’Orchestre philharmonique du Liban, a été un élément clé de cette masterclass ?
Oui, tout d’abord dans l’organisation en amont et puis par ses interventions d’une vraie intelligence pendant la masterclass. C’est un musicien que je découvre et qui a une vraie passion pour le violon, une vraie envie de recherche profonde du « pourquoi » du « comment » du « quand ». Il m’a laissé exposer mes idées et quand il posait une question c’était toujours pour nous guider vers l’essentiel. Ceux qui sont ses élèves ont de la chance de l’avoir comme professeur et peuvent s’en féliciter.
Vous reverra-t-on au Liban ?
Je l’espère ! Ce serait un vrai plaisir pour moi de donner un concert au Liban et d’inverser la donnée, c’est-à-dire de jouer pour les jeunes, et qu’ils se rendent compte que j’essaie moi-même de mettre en pratique ce que je leur dis de faire !
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