C’est dans la section roman que j’ai découvert le dernier ouvrage de cet éminent géo-politologue français, fondateur et directeur de l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) créé il y a 30 ans, plusieurs fois invité à des séminaires et des conférences au Liban.
La quatrième de couverture semblait répondre au genre proposé : « Une vague d’attentats islamistes plonge la France dans l’effroi et vient chambouler l’agenda réformiste du nouveau président... Pascal Boniface nous entraîne dans un récit captivant où se mêlent situations tragiques, portraits savoureux et rebondissements surprenants. »
Aucune hésitation, il fallait découvrir la première fiction de cet analyste hors pair qui décortique le monde et l’explique en termes clairs, sans équivoque. Auteur de plus de 60 ouvrages sur la géopolitique, traduit abondamment, très suivi sur les réseaux sociaux, il a pourtant été combattu par les médias et les intellectuels sur lesquels il tape très fort dans un essai publié en 2011 intitulé « Les intellectuels faussaires », dans lequel il dénonce les dérives déontologiques et le « traitement démagogique de l’information ». Son franc-parler et son courage pour nommer les choses lui ont valu de nouveau les foudres d’une grande frange de l’intelligentsia à la sortie en 2014 de son livre « Peut-on critiquer Israël ? » à la suite duquel il est traité d’antisémite ce qui lui a depuis attiré beaucoup d’ennemis. Il avait déjà en 2001 adressé une lettre au Président François Hollande jugeant sa ligne politique trop favorable à Israël.
Blacklisté par France Inter, France Culture et Le Monde, il est mis quelque peu à l’index et semble être moins invité aux débats.
Est-ce pour cela qu’il a senti le besoin de s’exprimer en « racontant » ce qu’il avait sur le cœur ? On pourrait interpréter ainsi la surenchère infernale qu’il a imaginée « dans le débat médiatique, pesant sur l’opinion et les responsables politiques qui s’entredéchirent », exposant « d’une façon hyperréaliste » cet « emballement implacable » des «différentes protagonistes, ballotés entre convictions, positionnements tactiques et intérêts à court terme ».
Le lecteur pourrait être certainement tenté de rentrer dans le secret des responsables politiques et démasquer leurs zones d’ombres : démagogie, impuissance des pouvoirs publics, appétit vorace des profiteurs, prétendus experts commentateurs.... L’hyper-réalisme du « Bateau ivre » est emprunté aux essais éclairants de Boniface mais risquerait probablement de décevoir celui qui veut s’évader dans un roman. Car si le sujet est fort intéressant, la lecture peine toutefois à avancer. Au pessimisme sensible depuis le début du livre, le format romanesque est plutôt difficile à suivre, chaque personnage étant présenté et suivi séparément dans son parcours et son action.
« Comprendre le monde, Les relations internationales expliquées à tous », (qui en est à 6ème édition en 2021), ses capsules vidéo, son blog, ses analyses claires sur les enjeux internationaux et sur l’évolution du monde... le contenu de qualité des écrits de Pascal Boniface n’aurait peut-être pas besoin d’être romancé !
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