Sorti en août 2023, le 32ème livre publié (sur les 105 écrits) de cette écrivaine insatiable de la plume demeure encore, quatre mois plus tard, au palmarès des meilleures ventes des librairies. Et ce n’est pas exceptionnel.
C’est encore une envolée inattendue (comme beaucoup d’autres) de l’écrivaine belge, qui se découvre ici une affinité avec les oiseaux, et ce dès l’âge de 11 ans, ainsi qu’une autre avec les psychopompes, ces « guides » qui accompagnent les personnes à passer dans l’au-delà. On constate déjà l’originalité de l’approche.
Dans ce petit livre qui se lit rapidement (à la cadence d’un par année, il faut y aller) la romancière prolifique nous déstabilise massivement. Tout commence par sa proximité, son amour ou sa frustration face à toutes sortes d’oiseaux autant au Japon, qu’au Bangladesh, en Birmanie ou au Laos. Et cette enfant de diplomate au parcours cosmopolite en a connus !
Mais « l’incident » de parcours, le nœud du roman, celui sur lequel elle s’est longtemps expliquée sur les plateaux qui l’ont reçue depuis, se résume à ces trois uniques phrases : « Ce fut alors que les mains de la mer s’emparèrent de moi. Des mains innombrables qui n’appartenaient à aucun corps visible m’attrapèrent, me dévêtirent et me possédèrent. La douleur n’eut d’égale que la terreur. » Un viol collectif, à quatre, qui la tourmente depuis ses jeunes années, mais qu’elle a gardé secret et dont elle ne révèlera l’existence que dans ce dernier opus.
La petite fille de douze ans va alors se transformer radicalement, devenir boulimique (ce qu’elle décrit dans d’autres romans assez autobiographiques), elle va surtout réaliser qu’elle a des affinités, comme certains de ces oiseaux qui symbolisent la mort, avec ceux qui conduisent les âmes des morts. Et de revenir sur sa relation et ses conversations avec son père dans l’au-delà, avec moult affirmations qui pourraient nous laisser, le moins qu’on puisse dire, dubitatifs : « Certains défunts émettent et d’autres pas. J’espère que c’est uniquement fonction de leur désir et non d’autres facteurs moins sympathiques… Je le répète : le silence n’est pas mauvais signe… Il y a des silences heureux. Certains morts trouvent aussitôt, si j’ose dire, l’équilibre. »
Au détour, elle ne manquera pas de rapprocher le fait d’écrire à celui de voler. Occasion de ré-affirmer son plaisir d’écrire : « Le privilège absolu, c’est d’écrire. Il n’y a pas de grâce plus élevée. La publication est parfois un plus, souvent une détérioration du plaisir initial. L’obtenir au prix d’un effort considérable, d’une angoisse maladive, d’une douloureuse obsession n’y change rien. »
Le privilège absolu, serait-ce de la lire ?
Le livre est disponible à la librairie Antoine
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