Nur Kaoukji est installée à Jaipur depuis 15 ans. Elle est arrivée à 21 ans, un jour de mousson, sous des trombes d’eau, et elle a compris, presque immédiatement, qu’une longue histoire commençait !
Une histoire qui a débuté 3 ans auparavant, au Liban, entre l’atelier de Selim Mouzannar et celui de Hagop à Bourj Hammoud. S’ennuyant dans ses études de journalisme à la LAU, elle réalise qu’elle a besoin d’exprimer sa créativité. Sur les conseils d’une amie de sa mère elle effectue un stage très court « mais, extraordinaire » chez Selim Mouzannar et qui sera le déclencheur de la suite. En effet elle y rencontre un joaillier de Bourj Hammoud qui l’invite à apprendre le métier chez les artisans du quartier arménien.
Commence alors une double vie pour Nur qui sèche systématiquement ses cours. C’est chez Hagop qu’elle commencera pour apprendre en premier lieu « la chose la plus importante en joaillerie : comment nettoyer l’atelier » ou l’art de récupérer les fines particules d’or en tamisant la poussière déposée dans l’atelier. Les semaines s’enchainent et en un an, elle a tant appris qu’elle voulait payer cet apprentissage, ce savoir. Ce que Hagop refusa.
C’est alors que son père découvre, sur un appel de l’université, qu’elle ne s’y rendait pas et très compréhensif des ambitions de sa fille, l’aide à changer définitivement de carrière. Elle s’envole pour Londres pour suivre des cours à Central St Martins College of Arts où elle est acceptée sur son portfolio présentant des pièces confectionnées dans l’atelier, le soir, après les heures de travail.
Quatre ans plus tard, en juillet 2006, devant clôturer ses études par un stage qu’elle comptait effectuer à Bourj Hammoud, Nur est dans l’avion vers Beyrouth. A cause du déclenchement de la guerre cet avion ne se posera jamais à Beyrouth et c’est au Koweit où réside sa mère qu’elle atterrira. C’est ainsi que des destins se forment. Sur les conseils d’une dame indienne elle postule pour un stage auprès de feu Munnu Kasliwal, figure emblématique du non moins fameux Gem Palace de Jaipur. Nur atterrit donc en 2006 à Jaipur, la ville rose, capitale du Rajasthan grouillante de vie, d’animation et de savoirs ancestraux.
Le coup de foudre est immédiat. Elle prend sa place très rapidement au Gem Palace et comprend qu’elle doit se rendre indispensable. Et elle y arrive. Depuis, l’Inde devient « home » et Jaipur sa ville.
Elle passe 4 ans dans la fameuse maison de joaillerie, auprès de son mentor Munnu, baignant dans un monde de bijoux, mais aussi de bon goût, de design de décoration et de collaboration respectueuse avec les artisans. Elle ne continuera cependant pas dans ce domaine car « le marché est saturé et il faut une génération pour être reconnue comme un joaillier de valeur ». Nur se tourne alors vers une de ses autres passions : les textiles et le travail avec les artisans.
Après avoir vendu des collections d’objets et de vêtements indiens dans des pop-up à travers le monde, elle s’associe en 2013, avec Noor Al Sabah puis, par la suite, avec Hussah Al Tamimi pour créer la marque et la boutique éponyme Ecru, une marque de lifestyle aux accents orientaux, célébrant l’hospitalité et la convivialité. Pour la confection de ses collections, Nur parcours à présent le sous-continent à la rencontre d’artisans. Elle fait faire du tissage au Tamil Nadu, à Hyderabad et à Foulia, du block printing à Jaipur, du travail du verre à Agra, du cuivre dans la vielle ville de Jaipur etc.
"En Inde, il y a des millions d'artisans, des régions entières peuvent travailler sur une seule technique ! On dit que l'artisanat se meurt dans le monde, allez en Inde ! Non, l'artisanat ne disparait pas, c’est un secteur riche mais généralement, seules les techniques qui sont à la mode sont relancées, les autres peuvent être négligées un moment jusqu'à ce qu'une demande se manifeste à nouveau. Ce qui est triste, c'est que ce métier est directement lié à la pauvreté. Bien que les artisans soient subventionnés par le gouvernement, le métier reste extrêmement fastidieux et n'est pas récompensé de manière substantielle, ce qui oblige les jeunes générations à chercher des emplois plus lucratifs. »
L’aventure professionnelle de Nur s’est doublée d’une histoire de rencontre avec son mari, Livio Delesgues, qu’elle a rencontré à Jaipur. Lui-même, ayant traversé dans sa jeunesse l’Ouzbékistan à cheval avec son frère, était installé en Inde depuis 10 ans déjà avant que lui et Nur ne se rencontrent.
« L’Inde représente pour moi l’équilibre entre le nouveau et l’ancien monde. On peut oublier le temps, apprécier la beauté de la vie dans son déroulement au quotidien, loin du modèle capitaliste ».
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@ecruonline
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