Pourquoi Myriam Au citron ?
J’ai 2 prénoms, Anaëlle et Myriam mon deuxième prénom. Anaëlle c’est mon prénom courant et Myriam est celui que j’utilise au Maroc. Quand j’ai créé mon compte Instagram pour partager mes illustrations j’avais envie de mettre en avant cette part marocaine de mon identité. « Myriam au Citron » c’est comme ma petite recette marocaine.
Pourquoi avoir voulu vous installer au Maroc ?
Depuis petite, bien qu’étant née et ayant grandi en France, mes parents ont toujours maintenu le lien avec le Maroc notre deuxième pays. Et ce grâce à la cuisine, les histoires et les voyages du Nord au Sud Marocain que l’on faisait chaque année. Cette partie Marocaine, je l’ai souvent « écrasée » en France, et j’ai fréquemment été irritée par des remarques de mon entourage à propos de la culture nord-africaine.
Cette réticence des autres vis-à-vis de mes origines m’a en fin de compte poussée vers le Maroc. J’ai eu envie de m’y intéresser réellement, d’avancer parmi les femmes marocaines, et d’appartenir activement à ce pays que j’admire, d’autant plus que les opportunités sont nombreuses. J’aimerais que la jeunesse marocaine n’ait pas juste envie de fuir le pays, où beaucoup reste à construire, et surtout que les expériences de chacun à l’international puissent profiter à la construction du Maroc de demain. C’est donc avec ma sœur et après mes études en marketing et pâtisserie que nous nous sommes installées à Tanger en 2017 dans le but d’ouvrir un restaurant.
Depuis quand dessinez-vous des illustrations ? Quel message voulez-vous faire passer par votre art ?
Je dessine depuis petite, par passion, mais c’est depuis mon installation à Tanger que j’ai repris plus vivement.
Je souhaite transmettre mon amour pour le Maroc et particulièrement pour le nord marocain, d’où une partie de ma famille est originaire. Ce Nord marocain, on le voit rarement, un peu écrasé sous la popularité de l’ocre, des tapis et des chameaux de Marrakech. Le chemin de Tanger à Chefchaouen me fascine, l’influence de la méditerranée, des montagnes, les maisons chaulées, les femmes en couvertures traditionnelles (mendils), les couleurs ….Je veux partager ce Maroc dont je suis fière et ces histoires joyeuses à travers, les savoirs faire, la cuisine, les intérieurs … à l’opposé de l’image stéréotypée du Maghreb souvent réduite à quelques clichés.
Parlez-nous de votre ville Tanger. Est-ce que la vie culturelle est très active ?
Le choix de Tanger fut une évidence, cette ville est au carrefour de l’Afrique et de l’Europe alors on y trouve une ressemblance avec notre métissage. Tanger est pleine de poésie et de mythes, qui commencent de la Grèce antique, à la présence d’artistes comme Henri Matisse, Delacroix...
Tanger fut une Zone « internationale » jusqu’en 1956. On peut découvrir l’héritage culturel de cette époque à travers la ville avec comme exemple les cinémas, ou la Libraire des Colonnes. Après une période de gloire, Tanger est un peu délaissée, mais ces dernières années le réveil Tangérois est incontestable. La culture et le côté cosmopolite sont d’ailleurs ce qui fait la personnalité de la ville. Au cinéma Riff, point de rencontre de la jeunesse tangéroise et des voyageurs, on y passe des films d’auteurs, il y a souvent des concerts. La présence de plusieurs galeries d’arts, un festival de jazz animent aussi la vie culturelle. Je pense que Tanger est une ville à suivre et qui n’est qu’au début de son réveil sur la scène marocaine et internationale.
Comment se porte la francophonie au Maroc ?
Le nord du Maroc a toujours reçu une influence plus hispanique, contrairement aux villes comme Rabat, Casablanca … Le Français est une langue importante dans le domaine de la culture, la maîtrise du français reste un gage de fierté et de rayonnement social. La plupart des études supérieures se font en français d’ailleurs et la plupart des manifestations culturelles également.
Qui sont vos artistes libanais préférés ?
Parmi les artistes libanais que j’admire il y a Yasmine Hamdan, de soapkills à « Al Jamilat » grâce à elle j’ai découvert la musique arabe contemporaine, avec un style unique et nouveau, c’est aussi un modèle féminin par sa liberté, ses textes.
Mashrou Leila qui d’ailleurs ont fait un concert à la cinémathèque de Tanger. J’admire l’engagement du groupe qui retentit à travers le monde arabe, en abordant des thèmes comme les libertés individuelles et l’homosexualité.
Aussi, Mathieu Chedid, un symbole d’ouverture au monde d’inspiration africaine, d’humour et de poésie et plein d’autres, Ibrahim Maalouf, Nadine Labaki …
Quel est votre avis sur les mouvements anti racistes qui s’expriment en ce moment aux Etats Unis, en France et de par le monde ?
Le racisme est un terrible fléau qui touche, j’ai l’impression, la plupart des sociétés.
Chaque culture revendique une sorte de suprématie sur une autre.
En tant que franco-marocaine je pense qu’avoir deux cultures, être issue de l’immigration, est un cadeau immense qui donne une toute autre approche du monde, mais c’est aussi souvent un combat. En effet comme le dit Gaël Faye (franco-rwandais ) dans sa chanson « Metis »,
« Ni blanc ni noir
J'étais en recherche chromatique
Mais le métis n'a pas sa place dans un monde dichotomique
Donc c'est dit c'est dit je suis noir dans ce pays
C'est pas moi qui l'ai voulu je l'ai vu dans le regard d'autrui »
On nous catégorise souvent en fonction d’un nom, d’une couleur de peau, parfois même sans avoir jamais vu ou sans même connaître ce pays auquel on nous renvoie.
Je pense que pour combattre le racisme, la culture et l’histoire peuvent être le meilleur remède.
En effet, l’esprit de communauté se creuse avec la peur de l’autre et la méconnaissance des autres cultures. En France on étudie et on valorise très peu le monde arabe ou africain alors qu’il est toujours au cœur de l’actualité et fait partie du passé colonial souvent honteux (zoo humain, colonies, esclavage etc) de la France.
L’écart se creuse entre les communautés qui peuplent un pays et il reste toujours une incompréhension entre ces dernières.
Au-delà des manifestations, j’espère qu’il y aura une réaction au niveau des écoles, musées… dans le traitement de sujet tels que l’histoire africaine, arabe, maghrébine qui sont en lien direct avec la France (raisons de l’immigration, etc) dans l’espoir que les générations à venir se comprennent et s’aiment.
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