La Fondation Al-Tawarek est une organisation non gouvernementale (ONG), non confessionnelle basée au Liban, dont la mission est de lutter contre la faim et la pauvreté dans la ville de Tripoli et d'assurer une qualité de vie meilleure et digne à ses citoyens les moins fortunés. Outre ces actions d’urgence, l’association œuvre à l'organisation d'événements culturels à Tripoli, pour promouvoir la culture et mettre en lumière le patrimoine historique de la ville. Main dans la main avec l’Université Saint Joseph (USJ) Campus Liban Nord et la maison Jarrous Press Publishers, Al-Tawarek co-organise une table ronde autour du livre “Tripoli dans les yeux de ses enfants et de ses voisins”.
Rencontre avec Maya Hafez, présidente de la fondation, pour qui le volet culturel et éducatif est essentiel dans les projets de soutien et de développement.
Un petit pas contre l’invisibilité culturelle de Tripoli
Le but de cette table ronde, sur le Campus de l’USJ, est de “transposer la ville de Tripoli à Beyrouth”, et espérer contraster avec le peu d'événements culturels en comparaison avec la capitale. Cette initiative s'inscrit également dans la préfiguration de 2024, année de la nomination de Tripoli en tant que capitale culturelle du monde arabe par la Ligue Arabe, que l’Agenda Culturel avait abordé dans son numéro spécial “Tripoli, entre patrimoine et bouillonnement culturel”. En effet, cet évènement intervient en parallèle d’un réveil culturel incontestable, porté par de nombreux acteurs. Ainsi, c’est le lien indéfectible, profond et intime entre les intervenants de la table ronde et leur ville qui sera mis en exergue. “C’est un premier pas, une porte d’entrée pour inciter les gens à aller de l’avant et regarder la culture à Tripoli”, ajoute Maya Hafez.
Tripoli comme espace de vie
Le livre “Tripoli dans les yeux de ses enfants et de ses voisins” est une sélection de témoignages d’expériences de vie avec et dans la ville. On y aborde Tripoli en tant qu’espace urbain, espace pour vivre. On y discute de comment c’était avant la transformation démographique de la dernière décennie. On y déplore un abandon relatif des tripolitains “d’origine” et un délaissement des pouvoirs publics, notamment en termes de politique culturelle. Ces récits de personnes qui ont habité Tripoli et continuent à habiter Tripoli sont précieux de sincérité, et nous permettent d’appréhender l’identité tripolitaine, “l’âme de la ville”.
Le message transmis par cet ouvrage est la nécessité de porter attention à cette richesse culturelle, à cette scène en ébullition, sans pour autant mentionner de références particulières. En effet, il ressort de façon certaine que Tripoli est un formidable terrain d’exploration pour les amateurs d’architecture et les férus d’Histoire. Contrairement à Beyrouth, qui a perdu son tissu urbain traditionnel, Tripoli a su conserver sa médina, ses souks, ses hammams et ses mosquées, dont le charme n’est pas sans rappeler les ruelles de Damas ou d’Alep. Il suffit de lever la tête pour voir au-dessus des stands, des moucharabiés vieux de plusieurs siècles, des inscriptions d’époque mamelouke gravées dans la pierre ou des ornements sculptés... Au-delà de tous ces vestiges au carrefour des civilisations, la scène artistique actuelle est dynamique, et vaut la peine d’être stimulée plus encore.
Un potentiel inexploité
Outre la nomination de 2024, la Foire internationale Rachid Karamé, monument classé au patrimoine mondial en danger de l’UNESCO, sera mentionnée en tant qu’emblème du potentiel de Tripoli, aussi extraordinaire qu’inexploitée, la grande délaissée des pouvoirs publics en termes de culture. C’est cette vibration, cette effervescence culturelle que le comité d’organisation de la table ronde cherche à transmettre à un public divers, aussi bien les jeunes que le corps professoral ou les actifs de la capitale. Maya Hafez est fière du message de l’évènement, “c’est la meilleure façon de résister” dit-elle.
“Tripoli dans les yeux de ses enfants et de ses voisins”
Deux des intervenants du panel ont participé à la rédaction du livre sujet de la table ronde, leur intervention sera donc particulièrement pertinente pour comprendre la thèse centrale de l’ouvrage. En outre, l’Auditorium François Bassil de l’USJ recevra le témoignage de trois jeunes. Maria Hafez, qui a grandi et étudié à Beyrouth, a découvert la ville grâce à la fondation AL-Tawarek et en est tombée amoureuse sans avoir aucune attache préalable, ce qui rend son récit primordial. Alain Dergham, reporter à MTV, a pour sa part expérimenté un véritable coup de foudre pour Tripoli pendant la révolution, et a à coeur de promouvoir la ville à travers les tripolitains. Enfin, Ghassan Barki, jeune architecte, partagera son expérience d’actif à al Mina, et sa détermination sans faille à ”ne pas lâcher la ville”.
La force de cette table ronde, c’est aussi montrer l’ouverture d’esprit, la culture, le multilinguisme des tripolitains conscients de leur patrimoine, conscients qu’ils évoluent dans un espace qui grouille de monuments d’Art et d’Histoire d’une richesse inestimable. C'est inciter des actions culturelles indépendantes de la fondation, “donner une impulsion culturelle dans l’absolu”, être un tremplin, une impulsion pour réagir à Tripoli.
La Culture comme levier d’action des projets de développement
Selon Maya Hafez, on ne peut pas bâtir un avenir aux jeunes sans la Culture, qui est profondément complémentaire aux actions de distribution dans l’espace urbain. Ce débat rappelle évidemment le caractère “non essentiel” qui avait été attribué au Ministère de la Culture en France pendant la pandémie, essentialisant sa dimension non régalienne. Toutefois, la présidente de Al-Tawarek tient à rappeler que c’est le devoir et la mission de la société civile de “travailler sur la culture”, et ce même avec des moyens limités. Le volet culturel sera ainsi renforcé dans les mois et années à venir, “pour humaniser et construire l’avenir”. En attendant, “Tripoli dans les yeux de ses enfants et de ses voisins”, c’est un cadeau à la ville, simplement: “elle donne à tout le monde, c’est comme une mère nourricière, on lui doit quelque chose et on ne lui donne rien”, termine Maya Hafez.
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