Beirut Unpublished
La deuxième exposition solo de Salwa Eid revisite les négatifs inédits de sa première exposition Inkblots, avec une nouvelle perspective exclusive, le point de vue de la photographe. Le thème de l’espace urbain de Beyrouth est central, comme fleurissent un certain nombre de projets dans la scène artistique libanaise, mais il est abordé d’une manière intime. "Comment percevez-vous une ville que vous appelez votre maison ? Cela fait longtemps que je me pose cette question. J'ai d'abord essayé d'y répondre en parcourant la ville et en capturant ce qui reste du patrimoine de Beyrouth, quand j'ai rapidement réalisé que pour moi, ce sont les gens qui font la ville, ils en font un foyer", a déclaré Salwa Eid, en 2018. Beirut Unpublished, c’est le désir d’adopter une nouvelle approche du processus de documentation photographique, en tournant l'objectif vers l'intérieur. Comment les habitants donnent un sens au palpable, aux murs, aux bâtiments, aux tunnels, à la Corniche ? L’artiste s’est laissée porter par le processus de double exposure, qui consiste à réutiliser une pellicule une deuxième fois, et ainsi superposer deux clichés. Ainsi, Salwa a réuni dix modèles qu’elle a photographié en studio, puis après avoir enroulé à nouveau le film sans le développer, leur a confié le soin d’aller capturer Beyrouth.
Un background académique qui valorise la vision artistique
La galeriste Zalfa Halabi, a reçu une formation complète et pluridisciplinaire entre le Liban et les États-Unis, ce qui lui permet d’être à l’aise autant sur les technicités et méandres de l’histoire des arts et des actualités culturelles, que sur les procédés de management et les considérations juridiques du marché de l’art. Son œil est ce qu’il y a de plus affiné ; on repère aisément l’empreinte de son parcours en tant que critique d’art. Son expertise est dans l’intellectualisation du travail artistique, qu’elle aime décortiquer dans ses moindres nuances. Ainsi, elle est d’une grande aide pour les artistes qu’elle accompagne du concept à l’exposition, en passant par la réalisation technique. En outre, cette connaissance absolue du projet est d’une valeur inestimable pour les visiteurs de la galerie. Qu’il s’agisse de l’explication du procédé photographique de la double exposure, de la chronologie du projet, mais aussi du message que Salwa Eid cherche à transmettre, Zalfa est une vitrine compétente, sincère et fidèle à l’artiste.
Décentraliser la scène culturelle
Sa connaissance molaire des théories plastiques, sociologiques et philosophique sur l’art lui permet de se placer en médiatrice, et de dégager les idées des projets de ses artistes, « idées complexes auxquelles un maximum de personne peut s’identifier ». Zalfa nous confie que c’est cette complexité qui la fascine, en ce qu’elle reflète la complexité qui caractérise le genre humain. Une œuvre facile à lire, à décoder, tant graphique soit elle, n’est pas une œuvre pour Zalfa, qui vit pour les projets « aux couches multiples, profonds, challenging ». Zalfa s’est essayé à la création artistique, qu’il s’agisse du dessin, ou encore de la photo, dans le cadre de ses études et des ses projets personnels. Néanmoins, après une expérience dans le milieu associatif, elle a trouvé dans le curatoriat et la mise en valeur du travail des artistes qu’elle représente une démarche pleine de sens. En effet, la galeriste, à la perception transatlantique déplore une industrie, et surtout une histoire des arts encore majoritairement euro-centrée. Ainsi, la valorisation à l’échelle nationale, et surtout internationale, de projets d’artistes du Moyen-Orient est une démarche constante pour Zalfa, qui entend prouver la pertinence de cette région dans l’histoire et l’actualité des Arts au niveau global. S’atteler à offrir une voix réelle et puissante aux artistes, et légitimer la création dans la zone MENA est alors une vocation dans laquelle Zalfa s’épanouit en tant que professionnelle engagée, et plus stimulée qu’à travers une production personnelle.
La galerie Zalfa Halibi, un safe space engagé
Dans une perspective qui a tout du post-colonialisme, Zalfa s’inspire de grandes figures, mais ce ne sont pas les noms des grands maîtres qui résonnent. Etel Adnan, à laquelle la galeriste a consacré sa thèse, et Huguette Caland sont deux artistes libanaises qui l’inspirent au quotidien, en ce qu’elles ont « bousculé la perception de la femme et des corps humains, et qui ont par ailleurs défié la compréhension euro-centrée de ce qui définit une bonne œuvre d’art ». Enfin, Zalfa a à cœur de réduire la distance entre le spectateur et la galerie, entre le public et l’artiste, en se plaçant encore une fois en médiatrice. Selon elle, dans les dernières décennies, un vide s’est creusé entre « une production artistique intimidante » et sa compréhension par le grand public. Ainsi, avec son espace éponyme et intimiste, Zalfa lutte pour un environnement inclusif dans lequel tout un chacun peut « absorber l’exposition et connecter avec l’artiste ».
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