J'ai assisté, il y a 35 ans, à l'enlèvement d'un homme que je connais. Il a disparu depuis. Il y a dix ans, j’ai vu son visage en sillonnant la rue, mais je n’étais pas sûr que c’était lui. Des parties de son visage ont été arrachées, mais ses traits sont restés intactes depuis l'incident. Pourtant, quelque chose était différent : Il n’était pas le même homme.
Voici l’histoire que Ghassan Halwani nous racontre dans son film ‘Erased, Ascent of the Invisible’. Entretien.
De quoi traite votre film ‘Erased, Ascent of the Invisible’ ?
Comme le titre le suggère, le film est un essai qui manipule des outils dans des gestes qui cherchent à dessiner un chemin permettant à l'invisible de faire son ascension, non pas jusqu'à l'émergence mais juste jusqu'à l'effleurement de la surface, rien que pour faire preuve d'existence et de gêne, en d'autres termes : vivre. L'image en elle-même n'est pas importante, elle est morte. Au moment où on la regarde, on la tue. C'est le geste qui importe, et ce geste envers l'ascension est supposé provoquer un dérangement dans la tranquillité du visible, dans ce que nous comprenons et assimilons de l'image, ce que nous supposons comme vrai, dans certains paysages même, des paysages concrets/ physiques, mais également historiques et politiques.
Pourquoi avez-vous décidé de l’écrire et de le tourner ?
A cause de l'impossibilité de ne pas s'y mettre. A l'origine j'ai été témoin, et un jour je me suis retrouvé dans l'impossibilité de continuer à marcher dans la ville de Beyrouth. Le mensonge y avait séjourné très longtemps et son ampleur est exponentielle. Il me semblait qu'il commençait à grignoter ma mémoire et ma pensée, ça me mettait à risque.
Comment a-t-il été sélectionné pour le Locarno Festival ?
Suivant le chemin normal, un membre du jury de la sélection l'a vu, il l'a proposé au directeur artistique et aux autres membres, et j'ai reçu une lettre qui demandait la Première du film. Par la suite, il a obtenu la mention spéciale du Jury dans la compétition premier Long-Métrage.
Parlez-nous de votre collaboration avec Le Comité des Parents des Personnes Enlevées ou Disparues au Liban
Je suis membre du Comité depuis sa création en 1982 ou 1983, je ne me rappelle plus, j'avais 3 ans. On ne choisit pas d'être membre dans ce comité, mais on le devient une fois que quelqu'un prend la décision de faire disparaitre (pas tuer) une personne à laquelle on est rattaché.
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