Tu étais très élégante et raffinée. À ta mort, je n’avais retenu que cette image de toi. Une grand-mère toujours bien mise, affable, affectueuse qui ne méritait pas le surnom de mémé, mais bien le titre de grande dame.
Aujourd’hui, tu serais une leader d’opinion, active, militante et tu aurais eu beaucoup de succès parmi les influenceurs réputés et probablement que tu aurais un blog énormément partagé.
C’est parce que chez toi, sous l’évier, tout ce qu’il y avait c’était du savon de Marseille, du saboun baladeh, en morceaux, en copeaux et en poudre. Alors que chez nous, on voyait des bouteilles différentes, chez toi, ton attirail nettoyage était « pauvre ». Au rayon des bouteilles, tu n’étais pas très riche non plus, on trouvait surtout du vinaigre, rouge et blanc. Tu le mélangeais au bicarbonate de soude pour tout faire briller : vitres, sol, récurer, même dégraisser le four et déboucher les canalisations. Quand ma mère te visitait et que vous preniez un café, sur la véranda, tu avais un geste que je ne comprenais pas : tu jetais le marc sur les plantes. Et si, assise parmi tes pots de basilic, de menthe et de romarin, par malheur un insecte nous piquait, le vinaigre accourait. Une guêpe ? On avait droit à une gousse d’ail qui agissait par miracle. Ta cuisine te servait pour tout (je t’ai même surprise une fois avec des rondelles de tomates sur tes durillons d’orteil). Si on arrivait chez toi avec un mal de gorge, tu nous soignais avec du miel et du citron. Et si notre nez coulait, c’est avec ton mouchoir brodé que tu nous mouchais. Mais tu carburais surtout à l’huile d’olive. Tout y passait : nettoyer le fauteuil en cuir, lustrer les meubles, pulvériser les plantes (avec bien sûr tes incontournables vinaigre et bicarbonate).
Tes armoires embaumaient la lavande, surtout celles du linge amidonné et des belles nappes blanches que tu avais héritées de ta mère. Il y avait des sachets partout. Même à la cuisine. Mais ici ceux que tu confectionnais toi-même sur ta machine à coudre (qui n’était pas du tout décorative, bien au contraire), les sacs en toile de différentes tailles étaient remplis de céréales, de grains, de denrées sèches que tu accrochais dans un placard obscur. Mais dans ta chambre, dans ton armoire à trois grands miroirs qu’on aimait tant ouvrir pour sentir l’odeur de roses, de jasmin que tu conservais dans de petites fioles, à côté des chiffons entassés, récupérés de vieux vêtements, on trouvait juste quelques robes mais beaucoup de sautoirs, boucles d’oreilles et accessoires pour les agrémenter, soigneusement gardés dans un tiroir aux milles couleurs.
C’est que tu étais coquette. Probablement est-ce pour cela que le seul amour de ta vie t’aimait tant et se trimait tous les jours la barbe avec son rasoir qu’il mettait dans sa timbale près de son blaireau tout blond… Ah que tout ça sentait bon ! Tu me manques ma téta.
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