Augures : une pièce qui renoue avec un temps oublié
08/12/2022|Maureen Dufournet
Augures met en scène deux comédiennes qui retracent leur parcours théâtral depuis le début de leur carrière dans les années 80, alors que le pays était en pleine guerre civile. A partir de leurs souvenirs, elles essaient de reconstruire une histoire qui se perd petit à petit, une mémoire collective d’une ville fragmentée entre est et ouest. C’est vraiment le théâtre qui est mis en avant, un art qui a réussi à réunir trois individualités pour partager une même histoire, pour ressusciter l’histoire théâtrale de la guerre civile, que certains historiens nient complétement.
Dans cette pièce, Hanane Hajj Ali et Randa Asmar exhument leurs souvenirs personnels, des éléments qui avaient été placés sous silence, une période que les Libanais cherchent à oublier. Ces deux comédiennes offrent au public un vrai retour dans le passé à travers un dialogue animé, laissant penser à de l’improvisation, mais le texte a été en réalité mûrement réfléchi et travaillé.
Un texte qui a vu ses fondements naître en 2018, alors que Chrystèle Khodr ne parvenait plus à avancer dans son art sans en connaître son Histoire et ses péripéties. Elle a voulu savoir qui étaient ces femmes qui lui avaient ouvert le chemin vers la pratique du théâtre et pour cela, elle a fait appel à deux comédiennes, deux grandes femmes très engagées politiquement, artistiquement, mais également socialement. Passionnées par le théâtre, Hanane et Randa ont tout de suite voulu participer au projet de Chrystèle.
Les répétitions ont alors commencé dès 2019 et le texte commençait à prendre forme à la suite des longues recherches de la metteuse en scène et aux entretiens et dialogues établis avec les comédiennes. Il aura fallu presque trois ans à cette petite troupe pour en arriver à la scène d’aujourd’hui. Un travail minutieux, car il fallait placer le réel au centre de la pièce, donner toute l’importance aux histoires personnelles et aux archives vivantes qui étaient données. Chrystèle explique que même si elle n’est pas physiquement présente sur la scène, elle la côtoie tout de même par les textes des comédiennes, c’est son regard sur le théâtre d’hier qui est présenté.
Pendant l’écriture de la pièce, la vie continuait d’avancer et le pays n’arrêtait pas d’être bouleversé, par la révolution, l’inflation, la crise sanitaire ou encore l’explosion du port. Le spectacle n’a alors pas pu être programmé au Liban et il a fait sa première en France, lors du festival Sens interdits à Lyon. Mais après cette tournée en France, il fallait que la pièce revienne au Liban, car c’est dans ce pays qu’elle allait prendre tout son sens, cette pièce a tout d’abord été écrite pour un public partageant le même imaginaire collectif.
La pièce ne poursuit pas d’objectif particulier si ce n’est de raconter la vérité et l’histoire, elle pose des questions et chacun est libre de prendre la réponse qu’il souhaite. Dans cette pièce, il s’agit avant tout de déployer l’histoire du théâtre dans les années 80 afin de ne pas l’oublier.
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