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Awtar Baalbeck ou les cordes de l’espoir

27/08/2024|Zeina Saleh Kayali

Envers et contre toutes les incertitudes et les angoisses, le Festival international de Baalbeck a décidé de maintenir la programmation d’un seul concert symbolique consacré au oud, et donné par Charbel Rouhana et le Trio Joubran. La présidente du Festival, Nayla de Freige et les artistes ont répondu aux questions de l’Agenda Culturel.


Quel est le message que souhaite transmettre le Festival international de Baalbeck à travers cet unique et symbolique concert ?

Nayla de Freige : Notre concert « Awtar Baalbeck » prévu au départ dans le temple de Bacchus, mais qui a dû être délocalisé à Beyrouth pour des raisons sécuritaires, porte un message symbolique à l’heure où nous vivons dans un monde déchiré par les guerres et les conflits. Le choix des deux formations musicales, libanaise et palestinienne, réunies autour du oud, n’est pas un choix anodin. C’est une rencontre d’échange et de solidarité, autour de ces instruments à cordes au son purement oriental qui nous touchent au plus profond de nous-mêmes, entre les mains de musiciens au talent inégalable, Charbel Rouhana et son sextuor et Trio Joubran. La musique peut être un vecteur d’harmonie et de dialogue, deux piliers indispensables pour ouvrir la voie à la construction de la paix.


Est-ce la première fois que vous vous produisez à Baalbeck? Qu’est-ce que cela représente pour vous ?

Charbel Rouhana : En fait, ce n'est pas la première fois que je me produis à Baalbeck. J'ai déjà participé en jouant du Oud avec le groupe Sarband dans les années 90 du siècle dernier. J'ai également participé à la composition de musique pour la troupe Caracalla parmi les œuvres présentées à Baalbeck. Bien sûr, jouer au festival de Baalbeck représente quelque chose de spécial pour moi et pour chaque musicien que j'ai rencontré lors de mes voyages artistiques hors du Liban.

 

Trio Joubran : Oui, c'est la première fois que nous nous produisons au Festival historique de Baalbeck. C’est un honneur de participer à un événement d’une telle importance culturelle. Nous sommes ravis de partager 20 ans de notre travail avec le public libanais.

 

Quel est le message que vous voulez véhiculer par ce concert, au vu des terribles circonstances traversées par notre région ?

C.R. : Comme le dit Nietzsche : " Nous avons inventé l'art pour ne pas mourir de la vérité". Comme on le sait, notre réalité Libanaise et arabe actuelle est une réalité amère au vu de terribles circonstances traversées par notre région. En plus de nos problèmes personnels dans toutes leurs dimensions, il nous devient alors nécessaire de recourir aux arts sous toutes ses formes. Je crois que la musique est le médium le plus large car elle a l'avantage de s'exprimer pleinement à travers le son qui traverse le silence et la distance avec de belles mélodies et beaucoup de spiritualité. Le message le plus important de la musique est peut-être qu'elle constitue un moyen de communication simple, profond et rapide entre différentes personnes.

 

Trio Joubran : Venir à Beyrouth en ce moment, c'est comme retrouver un ami cher. Il existe un fort sentiment de patriotisme parce que nous vivons à une époque où une page nouvelle de l’Histoire s’écrit. Nous partageons la douleur, la lutte, l’espoir et, surtout, la dignité de Beyrouth. Nous apportons avec nous notre douleur et notre espoir. Nous sommes là pour soutenir Beyrouth, pour partager son espoir et l’aider à panser ses blessures. Cette visite porte une signification profonde, et la voix du poète Mahmoud Darwish sera avec nous, car Beyrouth signifiait tant pour lui. Notre performance sera un mélange d’espoir et de douleur, avec un fort désir de liberté et de dignité.


Pensez-vous que la musique ait un rôle à jouer, au-delà d’être un loisir, dans un pays comme le Liban ?

C.R. : Certains au Liban considèrent que la vie musicale qui se déroule actuellement parallèlement à ce qui se passe à Gaza et dans le sud du Liban est un acte de résistance ou de résilience. Elle pourrait aussi être simplement un déni de l'amère réalité accumulée qui est en soi une sorte de résilience psychologique. Nous ne devons pas oublier que la plupart des peuples arabes, en particulier les Palestiniens, les Libanais et les Syriens, ont historiquement souffert et souffrent encore depuis des décennies. Par conséquent, nous ne pouvons blâmer personne s’il déclare sa fatigue et préfère vivre isolé des événements sécuritaires et politiques constants au Liban et dans la région. Quelles que soient les mots que nous utilisons, qu’il s’agisse de résistance, de résilience ou de déni, l’important est qu’il reste une ouverture, un espoir, même minimal, pour les personnes vivant au Liban et dans la région. C’est mieux que rien.

 

Trio Joubran : La musique n’est ni un simple divertissement ni uniquement une culture. Elle devrait avoir une signification plus profonde. La musique doit mêler culture, identité et objectif avec en plus le plaisir de l’écoute. C’est cette combinaison qui donne à la musique son pouvoir universel. En ce qui nous concerne, la musique véhicule notre identité, notre culture et notre cause. C'est une grande responsabilité. Dans nos concerts on retrouve la beauté, mais aussi parfois les larmes, puissante expression d'émotion.

 

Que faut-il vous souhaiter ?

C.R. : Je dis aux gens que s'ils n'étaient pas venus à nos concerts, nous continuerions à répéter uniquement à la maison. Avec leur présence parmi nous, le sens devient complet. Aux amoureux du oud, je dis que peu importe le déclin de la vie politique, sociale et artistique, il y aura toujours la passion de la transmission de cet instrument mythique. Lors du concert, je chanterai une nouvelle chanson que j'ai écrite spécialement, montrant l'esprit de résistance inébranlable du peuple libanais.

 

Trio Joubran : Souhaitez-nous santé et sécurité pour mes frères et moi et pour la Palestine. Souhaitons au monde arabe de se libérer de l’oppression. Et souhaitons que nous puissions transmettre notre message en paix et avec amour.



A savoir

le 29 août 2024 à 20h30

Théâtre Caracalla - Horsh Tabet

Pour en savoir plus, cliquez ici

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