Où sont nos acteurs culturels en temps de guerre et que font-ils ?
L’Agenda Culturel est allé à leur rencontre pour les interviewer et les écouter.
Noha Baz, pédiatre, gastronome et autrice. Elle vit à Paris.
Comment allez-vous ?
Suivre l’actualité de loin est toujours bien plus préoccupant mais c’est un état auquel nous nous sommes largement habitués.et nous sommes totalement connectés au quotidien avec ce qui se passe au Liban
J’ai un profond ressentiment envers notre classe politique (kelon yaani kelon !) qui s’est noyée dans les invectives, les débats et les discours stériles. En se rejetant les fautes les divers partis s’invectivent en permanence et laissent perdurer un état de chaos qui est devenu un mode de vie et auquel le peuple s’est accommodé. Ce peuple qui s’accommode de tout s’habitue à tout. Il y a également un comportement de non citoyenneté qui est cultivé et brandi comme une reconnaissance mais racheté par une solidarité qui pardonne tout lorsqu’elle est sincère et non intéressée …
Cette folie actuelle qui s’est abattue sur le pays aujourd’hui est pure absurdité et violence Mais était hélas totalement prévisible depuis de longues années à travers la déliquescence installée.
Être dans l’action à partir d’ici pour aider et soutenir les familles de mon association « Les petits soleils » et les dizaines d’autres qui nous sont adressées me permet d’être plus dans l’utilité que les palabres. J’évite les débats politiques et c’est extrêmement reposant.
N’ayant pratiquement connu que guerres et chaos dans ce pays que j’adore et que je décris dans tous mes livres et sur tous les tons j’ai appris que la guerre est également une école de vie qui
vous apprend à aller à l’essentiel.
J’ai beaucoup de mes patients libanais qui sont installés seuls en Europe pour suivre un cursus d’études totalement désemparés avec qui je suis en contact quasiment tous les jours.
Les écouter, les soutenir, les accueillir régulièrement pour leur offrir un peu de chaleur autour d’une bonne table est devenu un rendez-vous.
L’attention à l’autre et l’écoute sont aujourd’hui le plus beau des cadeaux que l’on peut offrir à un être humain. Apaiser, consoler et surtout continuer à regarder du côté de la joie.
La cuisine est en cela thérapeutique et la table qui rassemble source de joie.
Mes quatre petits enfants qui ont clairement hérité de ma gourmandise me le rappellent tous les jours
De quoi est fait votre quotidien en temps de guerre ?
Ma journée commence par un bon café cardamome qui me permet avant de commencer mon travail ici à m’occuper d’abord de Beyrouth et du Liban.
À réceptionner les informations et les demandes d’aide, les trier ensuite.
Contacter les médecins traitants, commander les médicaments pour les malades chroniques les acheminer et planifier avec l’équipe sur place dons et distributions.
J’ai des personnes formidables de cœur et d’efficacité dans la famille des « Petits Soleils » et depuis 28 ans nous continuons à œuvrer discrètement mais sûrement auprès des centaines d’enfants et de familles.
Sinon j’évite de mettre les chaînes d’information en boucle et piste toutes les sources d’émerveillement pour chasser les gris du monde et cela même s’il est inné se cultive tous les jours
Continuez-vous votre activité artistique ?
L’écriture est pour moi un travail devenu quotidien.
Mon prochain manuscrit raconte le Levant sous tous les angles et sera accompagné de 5 petits livrets qui le raconteront en goûts.
Nous devions fêter les dix ans du prix littéraire Ziryab à Beyrouth le 23 octobre mais cela a été reprogrammé vu l’état des lieux.
J’avais déjà programmé bien avant Beyrouth de les célébrer à Paris où nous les fêterons grâce au dynamisme et la bienveillance de Rachida Dati et de la formidable équipe qui l’entoure à la mairie du 7ème arrondissement, le 22 novembre prochain, date symbolique choisie intentionnellement pour continuer à placer cette Terre de Miel et de lait berceau des civilisations, dans le monde dit civilisé.
Comment envisagez-vous l’avenir du Liban ?
Je l’espère plutôt que ne l’envisage et je le rêve reconstruit sur de nouvelles données moins féodales, concrètement démocratiques et plus égalitaires.
En attendant, je le porte partout et le transmet de tout cœur en parlant de ses talents parce que l’on transmet une terre comme une langue.
Pour tromper la peur, que suggérez-vous à nos lecteurs comme :
Livres : la vie meilleure d’Etienne Kern
Les vitamines du bonheur de Raymond Carver
L’art de la joie de Goliarda Sapienza
La vie de Montaigne et Tout Spinoza
J’ai un grand faible pour les valeurs sûres que sont les classiques de la littérature
Astérix est une récréation
Je leur conseille également de prendre soin d’eux en pratiquant le yoga la méditation
À danser sous la pluie en quelque sorte.
Séries : Arsène lupin
Downton Abbey avec cette magnifique Maggie Smith qui est une leçon d’élégance et de vie
Œuvres musicales : Bach est mon remède à toutes les mélancolies
Jordi Saval et le Oud de Charbel Rouhana ou de Mounir Bachir m’apaisent et égrainent le temps. J’écris en écoutant de la musique.
Podcasts : Luchini Luchini et encore Luchini qui lit tous les classiques c’est un bonheur
Un dernier mot ?
Il n’y a pas de honte à préférer le bonheur
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