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« Couloir el Faraj » de Betty Taoutel

15/02/2020|Gisèle Kayata Eid

Parce que Betty Taoutel n’y va pas de main morte dans cette création livrée sans entracte et sans relâche, dirions-nous. Elle ose porter sur les planches ce qui alimente les plaintes et complaintes des salons. À part quelques exceptionnelles tentatives d’un ou deux médias pour aborder le sujet, à l’occasion, personne n’ose divulguer un fléau qui tue et le mot n’est pas de trop.

 

Pour rapporter les choses crument, Betty attaque le système hospitalier dans toute sa décrépitude.  Avec élégance, sans jamais heurter ou blesser quiconque, elle aborde des problèmes dont tous les Libanais se plaignent. Avec toutefois un avertissement futé au lever du rideau : « Quiconque se reconnaît dans un des personnages de la pièce a probablement quelque chose à se reprocher ». Et c’est parti pour 1h40 de rire, de satires et de questions épineuses et douloureuses…  

 

L’action se passe dans un hôpital où les malades évoluent avec leurs proches et bien-entendu le corps médical.  On y retrouve les permanences difficiles et désespérées auprès des malades, les relations voire les romances tissées entre les familles, les propos des vieux patients, parqués comme à vie, dans leurs chambres et traités comme des enfants sur les bancs d’école… Un microcosme des travers des Libanais comme seule l’auteure, metteur en scène et comédienne sait leur donner vie sur les planches, en prenant le parti d’en rire.  

 

Mais l’éclat de « Couloir » réside surtout dans la dénonciation humoristique des médecins absents, qui se font attendre longtemps pour finir par ne pas se montrer, des infirmières plénipotentiaires, manquant de tact, de professionnalisme, et même d’humanisme; du ballet inutile et agaçant des résidents et internes dépouillés de toute responsabilité; de la gestion bancale et inopérante de l’administration hospitalière, et bien entendu du fléau des assurances et de leurs représentant (e)s, en écorchant au passage les frais opératoires, la sécurité sociale, les frais de « fourniture » (comprendre gouttes, piqûres, etc.)

 

Le tout savamment ficelé par une intrigue distillée de jeux de mots, injectées de trouvailles comiques et de réparties juteuses… De quoi faire passer la pilule en passant du bon temps.

 

Pour avoir elle-même vécu les affres d’un « passage obligé » lors de l’hospitalisation de sa mère, à qui elle rend un hommage émouvant, « Le couloir de la délivrance » a certes fait du bien à la prof de théâtre qui l’a écrite et jouée.  Mais la sixième pièce de Betty Taoutel, récipiendaire en 2018 du Murex d’or pour l’ensemble de son œuvre théâtrale, offre un exutoire remarquable à tous ceux qui connaissent la frustration et l’absurde d’un système défaillant et malheureusement incontournable.  Et comme personne n’en est à l’abri… Rare occasion de crever l’abcès et d’en rire. 

À voir absolument.

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