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Encore et toujours la question identitaire

24/11/2020|Bahjat Rizk

Que ce soit au Liban, en France, aux Etats-Unis, en Iran, en Irak, en Syrie, au Yémen, en Arménie, en Russie, en Chine ou dans n’importe quel autre pays du globe, la question identitaire reste prioritaire car elle est à la base du projet politique et économique.

 

Pour cela, il est impératif de définir pour toute société, ses paramètres culturels, afin de les négocier de manière pacifique et raisonnée sinon c’est le règne de l’émotionnel, qui très vite conduit à la guerre civile, à la guerre entre nations ou à la dictature.

 

Par définition, toute entité étatique, reconnue à un niveau international est le regroupement de plusieurs groupes disposant plus ou moins d’une culture commune mais étant sans cesse en mutation car l’identité comme la vie ne peuvent être statiques. Si cette plateforme identitaire commune vient à faiblir ou à manquer, chaque sous-groupe ou communauté va développer son propre discours identitaire communautaire au détriment de l’identité commune nationale (on passe du communautaire au séparatisme comme c’est le cas aujourd’hui en France ou on superpose le projet communautaire paramilitaire au projet national comme c’est le cas au Liban depuis plus de soixante-dix ans).

 

Faut-il le répéter encore et toujours pour la énième fois, les paramètres identitaires sont définis de manière anthropologique depuis le passage de la préhistoire à l’histoire il y a 5000 ans (3000 ans avant notre ère) avec l’invention de la première écriture, de la première expression religieuse, des premiers rites funéraires, du premier code légal et l’établissement du premier système politico-économique d’organisation sociale. Ce furent en Orient, les empires Egyptiens et Mésopotamiens qui se transmirent aux autres civilisations de l’Antiquité.

 

Ces paramètres ont été énumérés (« la religion, la langue, la race et les mœurs ») pour la première fois par Hérodote, le père de l’Histoire (car c’est le premier qui écrivit l’Histoire de manière méthodique et non partisane) au Vème siècle avant Jésus christ, lors des récits détaillés (enquêtes) qu’il fit des guerres médiques, qui opposèrent durant plusieurs décennies les puissances de l’époque, à savoir les Grecs et les Perses.

 

Quel qu’en soit le contenu, quelle que soit l’époque et quel que soit le lieu, ces paramètres n’ont pas changé depuis. Ils structurent les sociétés et peuvent constituer, soit des voies de ralliement à des valeurs communes, soit des motifs de scission et de fragmentation. Le compromis culturel doit être établi entre les quatre paramètres en même temps (ils agissent comme des vases communicants) sinon chaque groupe culturel va brandir et se revendiquer, du paramètre culturel qui lui semble le plus significatif, le transformant en discours idéologique, pour dominer les autres, les soumettre ou les éliminer.

 

Il pourrait s’agir du paramètre religieux ou linguistique ou racial ou de mœurs. De manière indifférente, tout paramètre peut se transformer en idéologie car en période de crise, les groupes se sentent menacés, ce qui permet l’émergence de chefs politiques communautaires, qui tout en promettant de les protéger se transforment petit à petit en recours autoritaires ou même en despotes corrompus voire sanguinaires.

 

Certes l’émergence de ces chefs de guerre peut être nécessaire en période de survie mais leur maintien au pouvoir dépend hélas, à partir d’un certain moment, de la prolongation de l’état de crise qui les a fait advenir. Ainsi leur accaparement du pouvoir devient prioritaire à la résolution en profondeur et à la cessation du conflit qui les a portés. Ceci peut aller d’un dictateur qui continue à massacrer son propre peuple, à un président qui nie le résultat des urnes ou un autre qui les manipule à ses propres fins.   

  

Cette logique, avec la mondialisation est devenue communicative et mondiale. C’est ce climat de violence généralisée, sanitaire, financière, politique, et culturelle dans lequel nous sommes aujourd’hui plongés jour et nuit comme si le cadre de rationalité avait sauté et que nous sommes livrés de manière anarchique à nous-mêmes et à un déluge ininterrompu d’informations toxiques et d’émotions archaïques, que nous ne pouvons plus filtrer. 

 

Il faudrait remettre à l‘heure de la globalisation, un nouveau cadre rationnel de négociation pacifique et concret des conflits, basé sur les paramètres culturels, constants et invariables depuis 2500 ans.

 

Il est préférable de remettre les identités dans un cadre relatif culturel, pour ne pas les transformer par attraction de la puissance de l’homme en idéologies absolutistes.

 

Dieu ne peut avoir une langue, une race, une loi, un parti politique, une armée, un drapeau. C’est une aberration de l’homme. Un détournement de pouvoir. Certes il se révèle à l’homme mais ne peut s’approprier. Ce sont les hommes qui s’en emparent à leurs fins propres. Eriger ses paramètres culturels en idéologies divines permet à l’homme d’assurer la domination et la suprématie de son groupe sur les autres groupes culturels qui portent des paramètres différents (religion, langue, race et mœurs).

 

Certes au final, nous appartenons tous idéalement à une même histoire et à une même humanité, « sans distinction de race, de religion, de langue ou de mœurs » mais les paramètres culturels nous structurent au quotidien, politiquement, économiquement et socialement. Nous ne pouvons hélas appartenir à une humanité abstraite, nous devons nous incarner et nous sommes hélas mortels et de passage. 

 

Il est légitime de préserver nos paramètres culturels et d’essayer de les transmettre, de les défendre au prix de nos vies car ils donnent un sens à notre vie mais il faudrait tenter de trouver un terrain d’entente entre nos différentes cultures car nous ne pouvons que vivre ensemble sur cette unique planète en nous respectant les uns les autres, plutôt que d’avoir recours à des manipulations hypocrites et de traîner par-delà les siècles et les générations, des conflits  latents, enfouis et non résolus que des politiques peu avisés ne cherchent à tort ou à raison, qu’à faire ressurgir.    

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