Le ZAATAR : UN MODE DE VIE

Notre première rencontre remonte au mois d’avril 2019. Au détour d’un atelier gastronomique au salon Horeca qui regroupe le meilleur de la gastronomie libanaise à Beyrouth, je déambulais tranquillement entre les stands lorsque des effluves en Origan majeur me firent rencontrer le sourire débonnaire et le talent créatif de Fady Aziz.

Sous une enseigne joyeusement intitulée “The Good Thymes” je l’écoutais ce jour-là totalement fascinée, goûtais à plusieurs variétés de mélanges de Zaatar et une heure plus tard repartais chargée de sacs débordants de ses créations, totalement conquise par ses produits devenus depuis les incontournables de nos petits déjeuners et nos apéros improvisés.

Octobre 2019 : devant la triple crise politique sociale et économique le salon du livre francophone de Beyrouth est annulé. Responsable des rencontres littéraires et gastronomiques du prix littéraire Ziryab je décide de les maintenir avec la complicité et la collaboration éclairée de Salim Eddé au musée MIM. Livres et saveurs étaient durant ces deux journées à la fête avec entre autres ouvrages   “Le Zaatar dix façons de le préparer ” que j’avais écrit pour les éditions de l’épure et qui a depuis fait le tour du monde.

Pour illustrer l’écriture plusieurs artisans de bouche avaient été conviés et le stand des

“The Good Thymes” avait ravi tous les présents autochtones et européens.

Les crises se succédant ensuite au Liban, Fady et Maria sa discrète et très efficace épouse moteur silencieux du projet continuent contre vents et marées à se démener pour maintenir la tête de l’entreprise hors de l’eau en s’adaptant à tout : dévaluation, dollarisation et décentralisation.

Leur site de commande leur permet de livrer partout dans le monde.

Aujourd’hui au sud-Liban malgré des bombardements quotidiens de la région, leur créativité et leur ténacité sont encore plus grandes. Et depuis le 30 mai dernier un joyeux concept store THE GOOD  THYMES place Sassine au cœur d’Achrafieh à Beyrouth fait la fête tous les jours à ce mélange tonique inscrit dans l’ADN de tout libanais et de tout levantin éclairé.

Une rencontre s’impose donc autour de cet ”origanum syriacum ” qui pousse sur nos collines partout au Liban et au Levant depuis la nuit des temps. 

Rencontre bercée de cookies savoureux de sirops et de liqueur de Zaatar dans un écrin enchanteur.

Fady, votre parcours est passionnant : Quelles en ont été les principales étapes ?

L’aventure a commencé en 2017. À côté de mon travail quotidien de créatif marketing pour une société de production je décide de concrétiser ma passion. Ma famille est originaire de kfarhouneh, village situé dans le caza de Jezzine au sud-Liban. Y acquérir plusieurs terrains entourant une ancienne maison abandonnée a été facile à réaliser. Nous avons ainsi démarré des plantations d’origan indispensable à la confection du Zaatar. Nous y allons en famille depuis tous les week-ends et y passons la plupart de nos vacances donnant petit à petit vie à l’endroit devenu lieu de partage, de découvertes et de rencontres.

Je suis graphiste de formation, spécialisé dans la création de labels pour des produits alimentaires. Il m’a donc été facile d’imaginer des emballages et des contenants spécifiques pour habiller notre Zaatar national et lui donner visibilité et reconnaissance immédiate tout en m’alignant aux exigences des normes internationales de qualité.

Devant le succès obtenu ce qui était une occupation de week-end est devenu mon travail à plein temps.

Avec mon épouse et mes enfants nous sommes passé du stade artisanal à une véritable petite usine de production en agrandissant les locaux. J’ai donc abandonné mon poste de responsable marketing dans la société où je travaillais pour me lancer dans le défi d’aujourd’hui : The Good Thymes est ainsi devenu une entreprise indépendante et familiale.

Mon rêve était d’avoir une boutique entièrement dédiée au Zaatar libanais pour le faire connaître sous tous les angles. C’est chose faite aujourd’hui.

Cette nouvelle boutique-concept store c’est un peu ‘les mille et une vies’ du Zaatar.

Qu’est-ce qui fait d’après vous sa particularité ?

Cette boutique offre comme vous l’avez vu plusieurs façons de déguster le Zaatar. Nous avions déjà divers mélanges numérotés de 1 à 9, du plus traditionnel au plus audacieux dans lesquels j’avais rajouté au mélange de base au hasard de l’inspiration soit des fruits secs soit du piment doux soit diverses épices. A partir d’aujourd’hui dans cette boutique des mélanges exclusifs seront vendus uniquement sur place.

Nous avons aussi une très grande variété de produits imaginés avec du Zaatar en épicerie salée et sucrée comme des chips, des grissinis, des crackers divers fromages au Zaatar, des cookies, du Granola, du miel et même des confitures et des pâtes à tartiner à base de chocolat et de beurre de cacahuètes parfumées au Zaatar. Hydrolats, infusions, sirops et liqueurs tout comme plusieurs variétés de sels aux Zaatar sont proposés en formats divers.

Les clients peuvent également créer sur place leur propre mélange suivant leurs goûts et repartir avec. Je suis très ouvert à toute nouvelle idée.

C’est donc une véritable immersion dans le Zaatar libanais !

Absolument, nous avons également imaginé à côté du rayon alimentaire ce que j’appelle les

‘Good Thymes picks’: Un large éventail incorporant le Zaatar dans ses compositions :  soins cosmétiques, savons gels, douches et crèmes préparés par des petites entreprises locales avec des huiles essentielles. Il y a également toute une ligne de papeterie, petits carnets, tabliers tous illustrés de feuilles de Zaatar.

Des partenariats établis avec plus de quarante artisans pour entourer le Zaatar de la plus belle image marketing possible. Et bien sûr un vaste rayon de livres choisis.

Quel est votre plat préféré qui vous relie à la maison de votre enfance ? Contient-il du Zaatar?!

C’est le ”Kebbeh bel sanieh ”, Kebbé étalé dans un moule et présenté découpé en quartiers.

Enfants nous l’aimions également frit sous forme de petites galettes aplaties. Nous en avalions des quantités gargantuesques !

Pour l’avoir accommodé plusieurs fois de cette façon je lui conseille d’incorporer un peu de Zaatar à la farce du Kebbeh ça donne tout de suite un twist au plat et voit se dessiner un grand sourire et ses yeux briller de gourmandise.

”Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.

Mais de quoi ? De vin, de poésie, ou de vertu à votre guise, mais enivrez-vous !”

Cher Monsieur Baudelaire si vous aviez connu l’ivresse du Zaatar vous l’auriez sans doute rajoutée à la liste de vos inspirations et vous auriez certainement trouvé dans ce temple qui lui est dédié de quoi vous rafraîchir l’esprit et le cœur !

A savoir                                                     

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