Festival du Patrimoine : Le Hammam Ezzeddine accueille l’espoir
17/05/2021|Julia Mokdad
Pourquoi avoir choisi ce lieu ?
La ville de Tripoli est le point de départ d’une longue route culturelle qui est le projet Art et territoire, un programme de financement de l’Ambassade de France en partenariat avec la DGA et qui a pour but de mettre en lumière certains lieux patrimoniaux libanais, favorisant ainsi l’accès à la culture.
Le choix du lieu est en complète cohésion avec cette ambition. Le Hammam Ezzeddine est le plus grand et le plus ancien Hammam de cette ville du Liban Nord. Construit au 13ème siècle à l’époque des mamelouks, il a été rénové et réhabilité en musée en 1975, après 700 ans d’activité ! Les tripolitains en sont très fiers, mais il est relativement mal connu. Il mériterait pourtant de l’être davantage. Pour tout tripolitain qui s’intéresse à l’histoire de sa ville, ou tout historien s’intéressant à la période des mamelouks, c’est un lieu incontournable.
Proposer un festival d’art dans un musée comme celui-ci, c’est redonner un souffle de vie aux lieux patrimoniaux. D’ailleurs, tout a été pensé pour la ville et pour sa population. Ce n’est que plus tard qu’il a été décidé de réadapter le projet pour les journées du patrimoine, qui se tiendront du 21 au 23 mai. En décembre, lorsque j’ai visité le Hammam, j’ai confié à nos partenaires mon souhait d’y organiser un simple et unique concert. Au fil des discussions, plusieurs idées ont émergé, pour donner l’évènement proposé aujourd’hui par l’Institut Français de Tripoli et ses partenaires.
Pensez-vous que le patrimoine culturel de Tripoli soit actuellement en danger ?
Absolument. Aussi bien le patrimoine matériel que le patrimoine immatériel. Je trouve assez étrange qu’au sein même du pays, un nombre important de Libanais ne connaissent pas l’héritage des régions qui sont les leurs. Je pense à ces photographes et à cette peintre qui seront présents à l’exposition. Ils font un travail fabuleux, et pourtant ils n’ont probablement pas le rayonnement qu’ils mériteraient à Tripoli, et encore moins en dehors de la métropole. Ici, beaucoup de personnes se battent au quotidien pour l’éducation, la culture, le patrimoine, mais leur voix est d’autant plus étouffée que la crise perdure. Avec ce marasme économique, le problème s’est complètement décentralisé. Dans un pays où plus de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté, la culture est naturellement reléguée au second plan. A travers le festival, ce qu’on aimerait dire, c’est que malgré tout ce qu’il se passe actuellement dans le pays des cèdres, il est primordial de ne pas oublier ces choses précieuses que l’on possède, car c’est l’identité libanaise qui risque de disparaitre. Et ça, c’est effrayant.
Ensemble, nous allons tenter de tendre la main à un secteur qui suffoque. Et nous disons aux tripolitains, « Soyez fiers, vous avez de quoi l’être ! Venez donc écouter un concert de violoncelle et de Oud dans votre musée ». Au reste du pays, nous les invitons à lever le regard sur Tripoli : venez voir les habitants de Tripoli, admirez ce qu’ils sont capables de faire !
Le festival définira-t-il une stratégie d’avenir pour la culture ?
Le festival entend avant tout sensibiliser. C’est pour cette raison qu’il est 100% gratuit. Au cœur du souk de Tripoli, qui est une zone très populaire, les gens n’ont pas accès ne serait-ce qu’à leur propre culture, alors que ces ruelles à grande affluence regorgent d’une multitude d’artisans. Conjointement, il permettra aux artisans de vendre les créations et produits qu’ils exposent. Il était essentiel pour nous de pouvoir allier plaisir artistique et opportunités économiques.
S’il dure trois jours, ça n’est pas moins un projet pensé pour l’avenir, car l’institut Français travaille énormément avec les écoles et les lycées. Exploiter ces évènements à potentiel pédagogique dans les programmes scolaires, c’est aussi assurer une diffusion à plus long terme à travers les générations.
A quoi ressemblera le Hammam Ezzeddine durant ce week-end du patrimoine ?
L’évènement se décline en deux grandes parties. Une partie pérenne, et une partie périodique ponctuée par des évènements exclusifs. Du vendredi au dimanche, deux photographes, Mounzer Hamzé et Pedro Safadi, ainsi que la peintre Salma Maassarani partageront avec nous leur vision de la ville du Liban Nord à travers des œuvres éblouissantes. Conférences interactives, concerts de sonorités orientales aux accents européens et spectacle de conteurs seront également au rendez-vous.
Évidemment, nous serons très vigilants quant au respect des mesures sanitaires ; un contrôle du flux sera exercé notamment à l’entrée du Hammam, et la disposition des chaises sera calculée selon la distance sanitaire préconisée. Le port du masque sera obligatoire et la température prise à l’entrée. Mais nous avons confiance en la curiosité et l’enthousiasme des Libanais. Au-delà des groupes de diffusions, des retours nous sont déjà parvenus dans les groupes de diffusion internes. Les gens sont ravis : les tripolitains plus que tout. On m’a dit : « Enfin ! Nous étions en train d’étouffer, la ville de Tripoli avait besoin de cela. Merci ! ».
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(Photo: cestliliane)
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