Éduquer nos enfants c’est leur apprendre à se passer de nous, les parents. Écoles et universités prennent le relai et les préparent à faire face à l’avenir, à construire une vie productive. Le reste est une affaire d’efforts personnels, de compétences, d’ambition, ainsi que d’un zeste de chance qui peut toujours donner un coup de pouce favorable.
Et pourtant, en dépit de tous ces facteurs, nombre de personnes ne sont pas heureuses et ressentent souvent un manque, être passées à côté des choses, ne pas être à leur place alors qu'elles avaient d’elles-mêmes choisi leur carrière et décidé de leurs projets d’avenir. Nous sommes plus enclins à la connaissance des choses de la vie que de nous-mêmes. C’est une réalité souvent ignorée.
Il apparait que sur ce chemin éducatif et instructif, quelque chose de fondamental est omis, ignoré, c’est l’enseignement de la connaissance de soi, concept fondamental de la perception de la nature humaine qui, s’il était développé à un âge précoce, susciterait moins d’incompréhensions, de mésaventures, de frustrations, d’échecs et faciliterait grandement le chemin du succès, mais surtout de l’épanouissement de l’élève et de l'étudiant que ce soit dans leur vie professionnelle ou privée.
Lamia K., 42 ans, mère de trois enfants, regrette qu’elle n’ait pas poursuivi ses études lorsqu’elle le pouvait encore. « Je me suis rendue compte tardivement que j’aurais voulu étudier la médecine et que j’aurais été comblée en soulageant et soignant les malades, mais à présent mes responsabilités de mère sont à plein temps et remplissent mes jours et mes nuits. » Lamia déplore son manque de lucidité lorsqu’elle était plus jeune. « Je suis passée à côté de mon vœu le plus cher, être médecin, et le pire est que j’ignore pourquoi, » soupire-t-elle.
C’est que, si paradoxal soit-il, l’être humain ne se connaît pas lui-même. Et pourtant, seconnaitre soi-même nous permet de prendre conscience de nos besoins, nos valeurs, nos aptitudes particulières, nos préférences, nos limites, de ce qui nous inspire, nous fait vibrer, ce qui nous rend heureux ou pas.
Mais comment fait-on pour mieux se connaître? Tache pour le moins ardue si l’on en croit les psychanalystes car, d'une part, une partie de nous-mêmes est inaccessible mais également parce qu'un sujet ne peut devenir objet pour lui-même. À ce titre, la connaissance d'autrui est plus aisée.
Tasha Eurich, psychologue, a évoqué lors d’une conférence TED l’importance de la connaissance de soi et les bénéfices que l’on pouvait en retirer. Selon elle, « la connaissance de soi est la capacité d’une personne à se voir clairement. Elle est utile pour comprendre qui on est, comment les autres nous voient, et la façon dont nous nous intégrons au monde. Peut-être qu’on n’aimera pas forcément ce que l’on voit, mais c’est un grand réconfort et une grande aide de se connaître soi-même,» indique-t-elle.
Si des cours de psychologie axés sur la connaissance de soi étaient dispensés dans les écoles, l’élève bénéficierait d’un outil majeur qui éclairerait d’un jour nouveau ses points forts et ses faiblesses, ses aspirations et préférences. Nombre de personnes restent indécises et incertaines face à leurs choix futurs et auraient plus confiance en elles-mêmes et en leurs décisions si elles parvenaient à mieux se connaître. D’autre part, que de personnes regrettent leur choix tardivement et se résignent face à leurs erreurs croyant avoir opté pour la carrière rêvée ou les justes choix dans leur vie privée.
Roger L. 53 ans, physiothérapeute, a toujours rêvé d’être chanteur. Né dans une famille de chanteurs-compositeurs, à l’inverse de Lamia, il ignore comment il s’est laissé glisser sur le sentier médical. Marié et père de trois enfants, il dit ne plus pouvoir arrêter de travailler vu ses responsabilités familiales et ressentir en permanence une frustration qui s’est même aggravée jusqu’à la dépression. « J’aurais voulu embrasser une carrière de chanteur, vivre et évoluer dans le milieu musical, je me sens pris au piège car le domaine musical est une carrière difficile où peu de gens réussissent et je ne peux plus prendre le risque de perdre mon gagne-pain duquel dépend ma famille.
J’aurais voulu être un artiste, j’aurais voulu être un auteur, regrette Claude Dubois dans sa chanson mythique Le blues du businessman tirée de Starmania. J’aurais voulu être ceci ou cela, des antiennes répétées à l’envi dans la vie courante. Que de souhaits irréalisés, que de regrets évoqués au passé première forme du conditionnel du verbe vouloir. Certes, beaucoup diront, nous aurions tant voulu que la connaissance de soi nous soit apprise dans les institutions éducatives, nous aurions voulu être aidés afin de mieux nous connaître car l’épanouissement et l’accomplissement personnel ne peuvent que faire florès lorsque nous avons appris qui nous sommes réellement.
(Photo: @CanStockPhoto.com)
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