Le monde d’Anne-Sophie, une imprégnation gastronomique Haute-Couture
03/03/2025|Noha BAZ
S’il est une histoire de transmission à raconter dans l’univers de la gastronomie c’est bien celle de la MAISON PIC.
À la tête de ce paquebot tranquillement amarré sur la rive gauche du Rhône, Anne- Sophie PIC a réussi depuis 1997 à le mener avec une signature unique depuis Valence au firmament de l’excellence. Le voilà aujourd’hui plébiscité à juste titre « meilleur restaurant du monde ».
Plonger dans son univers est toujours un privilège, une parenthèse hors du temps, un voyage qui bouscule tous vos sens et vous interpelle avec un feu d’artifice d’émotions.
La fée Anne -Sophie veille à tout dans une quête permanente du meilleur que ce soit côté arômes, associations de saveurs ou accords de couleurs ... Elle cherche, imagine, crée et met en scène chaque plat pour atteindre une harmonie totale qui efface des heures de labeur pour offrir avec élégance le meilleur.
Et pourtant… Elle ne se destinait pas à la cuisine même si cette dernière a bercé son enfance. Celle de son grand-père, André Pic, lui-même élevé dans les tabliers d’une mère cuisinière, Sophie Pic, qui fonde l’Auberge du Pin à Saint-Péray, en Ardèche. Décoré de trois étoiles Michelin, André Pic va créer la Maison Pic au milieu des années 1930 sur l’élégante avenue Victor Hugo à Valence
Son fils, Jacques, reprendra les rênes en 1956 et regagnera les étoiles perdues après-guerre.
Jeune fille douce et féminine Anne-Sophie Pic rêve d’abord de mode et de création. Elle commence par intégrer un cursus d’études internationales de commerce à Paris.
”Mon enfance a été rythmée par les bruits de la cuisine en effervescence, le tintement des casseroles et les voix des cuisiniers qui montaient jusque dans ma chambre située alors juste au-dessus. La maison vibrait des arômes des plats en préparation, et, chaque jour, je cédais ce lieu, qui était mon terrain de jeu, aux clients, le temps du service...
C’est peut-être un peu par esprit d’indépendance que j’ai d’abord rêvé d’aller à la rencontre d’autres cultures”. Après deux années de découvertes et de voyages notamment en Asie, elle décide quand même de se lancer dans l’aventure de la cuisine en 1992, exploratrice de la profession, sans formation hôtelière particulière aux côtés de son père Jacques qui lui transmet dans un premier temps les secrets du métier.
En 1997 elle va prendre toute seule la direction de la cuisine et de la création de la Maison Pic, avec son mari David Sinapian qui se charge de la gestion et de la stratégie de l’établissement.
La naissance de Nathan leur donnera l’impulsion de transmette et de fonder “Scook” lieu convivial et avant-gardiste au sein duquel les gourmands en herbe prennent plaisir à donner vie aux recettes qui éveillent leurs papilles. La transmission du savoir-faire reste “même si elle n’est pas toujours simple” une priorité pour Anne-Sophie Pic.
Ils développent depuis un groupe de restauration et d’expériences culinaires d’exception, le groupe Pic.
Les débuts sont difficiles : Femme dans un métier où les hommes tiennent la vedette, fille et
Petite-fille de monuments de la gastronomie, autodidacte surtout car sans apprentissage dans les écoles classiques…Rien ne lui est épargné.
Mais Anne -Sophie n’est pas du genre à se laisser abattre. Curieuse et pugnace elle remet mille fois sur le piano son ouvrage et emprunte d’un pas sûr avec persévérance, le sillon royal tracé par son histoire familiale.
En ce début du mois de mars, le printemps se devine par touches colorées dans le jardin de la Maison et nous accueille en camélias majestueux. Les premières fleurs d’amandiers font écho aux drilles joyeuses de pinsons et de mésanges qui se mélangent en une belle symphonie matinale. Gaston le canard partage avec nous un délicieux Geinmacha au géranium rosa. Le temps est suspendu et nous voguons entre saveurs et souvenirs …
Anne-Sophie dont la modestie est inversement proportionnelle à son immense talent se raconte par petites bouchées pétries de parfums et de couleurs.
”Le fait d’être autodidacte m’a incitée à me lancer comme une exploratrice en cuisine pour essayer de trouver une autre voie…Au début, j’avais soif surtout de techniques” se souvient-elle. ”En tant que femme autodidacte, je pensais qu’on ne me pardonnerait pas de ne pas être à la hauteur techniquement. J’essayais, je recommençais, je réajustais... Je suis une incorrigible perfectionniste en recherche perpétuelle du mieux. Je m’applique toujours avec passion et conviction.”
Cette liberté hors sentiers battus lui permet d’imposer petit à petit une signature unique. Devenue école, s’embarquer avec elle ressemble à une véritable méditation culinaire. ”L’imprégnation ” est son cheval de bataille.
Le point de départ de sa réflexion est une trame aromatique qu’elle imagine, puis met au point avant de donner naissance au projet culinaire final ; une pensée qu’elle concrétise en plusieurs essais, gestes et préparations, beaucoup d’intuition et d’imagination pour à l’arrivée, vous délivrer une expérience inoubliable.
”La trame aromatique est pour moi le premier pas d’un plat. Je la réfléchis, la met en place et puis dans un deuxième temps je vais penser autour aux textures, aux cuissons, aux sauces. Le visuel est pour moi très important parce qu’il doit donner une idée du goût mais surtout susciter l’envie. Ensuite j’essaie de comprendre l’ingrédient, d’en tirer la quintessence pour le marier au mieux. Grâce à des marinades, des fumages, des fermentations et des infusions, j’explore en permanence de nouvelles associations afin de magnifier le produit de départ et d’offrir une harmonie globale.
Je suis toujours à la recherche d’associations de saveurs surtout si elles sont complexes et inédites J’aime sortir des sentiers battus pour arpenter des terres gustatives plus exigeantes telles que l’acide et l’amer, le fumé, l’iodé, le fumé ou le torréfié. ”
Sa quête perpétuelle du bon nous donne droit aujourd’hui à une sole cuite vapeur drapée d’un voile de ”meskeh ”, mastic de lentisque infusé dans une sauce divine où algues et murex s’entrelacent en arômes sublimes.
« C’est aujourd’hui même que ce plat fait son entrée officielle sur la carte ! ». Nous voici embarquées dans une longue conversation autour du lentisque, un de mes ingrédients passion dans la cuisine levantine qui n’a pas d’équivalent pour magnifier le lacté ....
C’est en suivant cette pensée créative que sont nés des plats emblématiques tels que les Berlingots signature ASP ou le millefeuille blanc qui avait clôturé l’inoubliable dîner d’inauguration de l’exposition Chanel Numéro 5 au musée d’art moderne de Paris. Un incontournable auquel elle vient de rajouter quelques délicats éventails aromatiques pour le rendre immortel.
Une de ses dernières merveilles côté desserts est cet extraordinaire soleil ”dit vert ”
”dessert né de mon envie d’explorer la richesse aromatique du pamplemousse, portée par mon amour des agrumes et leur capacité à éveiller le palais, à surprendre par leur intensité et leur éclat, qui se découvre dans l’instant, lorsqu’on brise la feuille pour en révéler tous les parfums.
Imaginé avec Éric Verbauwhede, mon souhait était celui d’une île flottante légère et aérienne, presque insaisissable, qui enlace la vivacité des pamplemousses. La gourmandise s’invite par la suite avec la rondeur du bourgeon de cassis et la subtilité du citron noir, apportant une dimension profonde et épicée. Sous une fine feuille d’agrume, un jeu de contrastes que j’affectionne particulièrement se dévoile : le fondant et le croquant, la fraîcheur et le réconfort. ”
Les saveurs chez Anne-Sophie Pic sont inédites, absolument uniques. Elles sillonnent aujourd’hui la planète offrant de Londres à Singapour, de Shanghai à Dubai, de Lausanne à Hong -Kong le meilleur du meilleur. La chef pluri-étoilée a le regard et le doigté d’un couturier avant chaque défilé et c’est toujours la même perfection qui la porte.
Chanel aimait à dire que ”si une femme est mal habillée on remarque sa robe mais si elle est impeccablement vêtue c’est elle que l’on remarque ”. C’est la même pensée qui habite à mon humble avis le travail de cette chef pas comme les autres qui sait donner de l’allure et des frous- frous à une simple carotte.
À chaque repas servi ce sont délicatesse et raffinement qui attendent les convives. Chaque détail est travaillé et vous arrive impeccable dans un contenant choisi totalement en harmonie avec le produit. L’ensemble vous laisse à chaque fois saisi d’émotion sens et papilles en éveil avec une cascade de feux d’artifice en bouche à la clé.
Au firmament des étoiles (avec beaucoup d’autres à briller en perspective) Anne Sophie Pic m’émerveille depuis des années. L’inviter aux festivités du prix Ziryab en 2017 au Liban avait été une évidence. Elle avait alors par sa simplicité et sa gentillesse légendaires conquis tous les cœurs !
Maison Pic
285, avenue Victor Hugo
26000 Valence
+33 (0) 4 75441532
À Paris
La Dame de pic
20, rue du Louvre
+33 (0) 1 42604040
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