Le récit de voyage de Danielle Rizkallah en Mongolie
15/01/2025|Danielle Rizkallah
Danielle Rizkallah @daniellerizkallah est réalisatrice, et Executive Creative Director. Son expérience extensive, en agence de pub, et puis en solo, passés à rechercher cette pépite d'or appelée l'idée, et observer le comportement de l'espèce humaine, l’ont mené à écrire des campagnes qui répondent à sa devise : « Un monde meilleur, un film à la fois, un texte à la fois ».
Elle partage avec les lecteurs de l’Agenda Culturel le récit mais aussi les magnifiques photos de son voyage en Mongolie.
En temps de guerre, quoi de mieux que faire durer le plaisir. Détourner le cerveau. Noyer les missiles et les drones dans les photos d'un voyage que j'ai fait, quelques jours avant que les frappes ne commencent. Mongolie septembre 2024.
Comment sait-on qu’on est prêts à partir ? Ressortir l'appareil photo, vider les cartes mémoire, faire de la place pour l'espace qui nous attend.
Lundi 2 septembre. Je me lève. Avant le soleil. Il s'élève à l'Est. C'est là où je vais. J'atterris à Oulan-Bator la capitale, en même temps que Vladimir Poutine. Si je le vois, je lui demanderai « pourquoi ? »
L'architecture d'UB est brutale. Les embouteillages sont épouvantables. Comment peut-on avoir des embouteillages dans un pays où il y a autant d’espace ! 1,564, 000 millions de kilomètres carrés pour 3,450 millions d’habitants.
Dans quelques heures, je serai dans la nature. Le paysage m'appelle à abandonner mon ego sur la route, et à me connecter à l'égo surdimensionné de la nature.
Mon sourire est énorme, je me regarde, je suis heureuse. Premiers pas sur l’immensité de la terre Mongole.
L'Empire Mongol, fondé au XIIIe siècle par Gengis Khan, fut le plus grand empire jamais connu dans l'Histoire.
Enclavée entre la Russie au Nord et la Chine au Sud, la Mongolie ne connaît pas la mer.
Elle vit de ses steppes, de ses montagnes, de ses volcans, de ses lacs, de ses aigles, de ses nomades, de ses yourtes, de son ciel, de ses chevaux, et de son histoire.
La Mongolie est horizontale. Elle calme les esprits tourmentés, fatigués et surmenés comme le mien. Elle lisse, aligne, et enfante le vide.
Je deviens steppe, je deviens linéaire. Je deviens troupeau, j’épouse les flancs des montagnes comme des vagues, je surgis de terre sans prévenir.
En voyage on ne fait pas semblant.
On roule des heures dans un paysage quasi lunaire. Des vallées et des plaines. Puis des falaises, et des steppes. Puis des dunes et des oasis. Puis des chameaux et des chevaux sauvages. Des chèvres, des montagnes, des rivières, et des camps de yourtes. A perte de vue.
Le monde sans hommes devait ressembler à ça, avec quelques dinosaures en plus.
Toi, le nomade. Je me prends souvent à contempler à quel point nous sommes différents.
Pourtant, il est surprenant de constater à quel point je m’identifie.
Comme un souvenir d'une vie antérieure.
J’évolue dans ton espace, je voyage, je ne demande aucune attention, elle est entièrement à toi.
J’adore cette notion romantique de l'aventure.
Celle où on regarde l’autre pour ce qu’il est. Aimer ce qu'il est, ce qu'il nous apporte, ce qu'il fait revivre en nous, ce qui dans sa culture enrichit la nôtre.
Quel est le goût de ton fromage cru ? quelle est la force que tu extrais de cette terre ? quelles connaissances tu as hérité de tes ancêtres ?
Riche de ton bétail et du petit bout de terre que le gouvernement t’a offert. Tu dors sans clé à ta porte, tu n'as pas de domicile permanent, ta maison est une yourte, tu la prends là où tu veux. Là où il y a de l’eau, là où le pâturage est bon, là où la saison est douce. On bouge. On s’en va, on se pose, on repart. Fonction ultime du nomadisme.
Tu bois ton thé à grand bruit, tu manges ton mouton avec tes grandes mains, puis tu me caresse les cheveux, avec vigueur. Je ressemble grave à ton aigle, non ?
Tu ne parles pas anglais, tu t'exprimes à travers des sons, la langue de ton environnement. Et bizarrement, je comprends tout.
Cette humanité primitive me convient.
Une grande partie du voyage sur cette terre mongole prends l’extrême ouest. Plutôt le far West, pour ce qu’il nous évoque de conquête, de liberté, de paysages sauvages, et d’aventure.
On est en territoires Kazakhs. D'immenses montagnes plongent dans des plaines qui étaient autrefois d'immenses lacs. 2 heures d’avion pour y arriver. Un ancien fourgon Russe tout terrain nous attend, un chauffeur, un guide et un cuisinier. De là, on bougera en totale autonomie. Ici, tout change. Le peuple, la culture, la langue, les traits, la perception de l'autre, Kazakh et Mongols rivalisent.
Nous nous arrêtons chez une famille nomade. Dans la yourte, la couleur domine comme une fête, une guitare, une chanson traditionnelle, un plat de mouton partagé, des enfants joufflus et des épouses autour du fourneau.
Le guide traduit nos échanges, je me permets : "S'il vous plaît, ne rêvez pas d'Oulan-Bator, la ville efface les identités. Les portes se ferment, les déchets humains coulent dans des tubes visibles et les odeurs vous collent à la peau. Restez ici. Faites ce qu'on vous a appris à faire depuis des millénaires. »
Nous vivrons deux jours dans une yourte basique, inconfortable, mais ornée de magnifiques tissus kazakhs.
Pour rien au monde je n’aurais troqué cet inconfort, fertile de nouveaux sentiments. Je suis là, j'ai de la chance. L'autre monde attendra.
On allume le foyer, bientôt il fera chaud, voire très chaud, bientôt je dormirai.
La vodka Mongole s'échange contre de l'Arak Libanais, l'improbable soupe est bienvenue.
Sur mon lit de camp, finalement je m'endors.
Pendant la nuit, un homme entrera dans la yourte, alimentera le feu avec du fumier séché et prendra la bouteille de vodka au passage.
Il faut dire, la nuit est froide et les hommes sont forts.
Étonnée de voir à quel point je me sens en sécurité en dormant dans une yourte sans clé, je pense à ma vie sédentaire au Liban.
Dehors, un animal rôde autour du camp, c’est un léopard des neiges. Ma rêverie s’y méprend.
L'année 2024 se termine et le voyage tire à sa fin. Un dernier émerveillement nous attend. Le Golden Eagle Hunter Festival, niché dans les montagnes isolées de l’Altaï.
Et l’Éternel dit : Je vais susciter un peuple qui parcourra les vastes espaces de la terre pour conquérir les demeures des autres peuples. Peuple terrible ! Ses chevaux sont plus légers que des panthères, plus rapides que les loups du soir. Ils viennent de loin, ces cavaliers, ils passent comme une tempête, ils se jettent comme l’aigle sur leur proie. Ils se jouent de toute forteresse, amoncellent un peu de terre et la prennent d’assaut... » H 1,8.
C’est une incroyable culture humaine célébrée par des concours de chasse à l'aigle, des rencontres avec des chasseurs d'aigle célèbres, et des nomades de l’Ölgi.
La chasse à l'aigle est un métier et un art séculaire, qui met en valeur le lien profond entre l'homme et l'aigle royal.
Poétique certes, mais essentiel à la survie de ce peuple.
Ma passion pour l’image et le voyage prennent leur envol.
Un de ces chasseurs d'aigles, Basha Khan, m'a demandé en mariage, j’ai nommé deux de ses aigles, pour ne pas dire oui. Pacha (Roi) et Elem (Terre).
Il est venu à notre tente « Je ferai tout pour passer une heure avec toi… »
C'est Basha Khan.
Il a défilé sur son cheval, son aigle à son poignet, et m'a regardé avec un sourire ensoleillé !
Quand nous nous sommes dit au revoir, il a prédit : « Tu reviendras en Mongolie ».
Faut croire aux prophéties !
Mongolie 2024
*Avec mes amis, nous avons mis deux mois à rechercher, tout ce qu’on voulait voir en 17 jours. Nous avons soumis le plan a 6 agences de voyage locales et Françaises. Un gagnant l’a emporté, et nous as tout organisé sur place. @bluewolftravel
Photos Danielle Rizkallah – Tous droits réservés
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