Tu as commencé le taekwondo à 4 ans : pourquoi ce sport, et qu’est-ce qui t’as poussé à en faire à un haut niveau ?
C’est une anecdote assez drôle : je faisais de la danse classique avec des amis, et j’étais tombée amoureuse d’un garçon qui s’était mis au taekwondo. J’ai donc harcelé ma mère tous les jours pour me mettre à ce même sport, et elle a fini par céder.
Je me souviens de mon premier cours de Taekwondo, j’adorais les super-héros, et j’avais même mis mon costume de Spiderman !
Je n’ai pas vraiment décidé de pratiquer du sport de haut niveau : je n’ai jamais voulu être une athlète. C’est juste ma passion, et logiquement, step by step, j’en suis arrivée à exercer ce sport professionnellement et à participer aux compétitions.
Pratiquer du sport à haut niveau, c’est aussi beaucoup de contraintes et de rigueur : quel est ton rythme d’entrainement, comment te prépares-tu aux compétitions ? Comment gères-tu la pression et le stress ?
Je m’entraine tous les jours sauf le dimanche. Je consacre quatre heures par jour : deux le matin où je fais de la gymnastique et du fitness, et deux dans l’après-midi où c’est exclusivement du taekwondo en tant que coach, ou bien dans la Taekwondo Fighters Academy,.
Lorsque l’on s’approche des jours de compétition, on s’entraine davantage sur la technique ; on ne se bat pas trop pour éviter de se blesser, et l’entrainement s’intensifie.
C’est normal d’être stressée avant la compétition, mais c’est un bon stress : je suis excitée de pouvoir être sur le ring ! Et une fois que j’y rentre, j’oublie tout le reste. Le stress et l’excitation sont deux émotions très rapprochées : dès lors que je sens le stress m’envahir, j’essaye de le transformer en excitation.
Il y en a qui, pour se préparer, se renseignent sur leur adversaire : moi je n’ai pas envie d’y penser. La dernière fois, à Fujairah lors d’un tournoi, j’ai perdu contre une sportive allemande. Après coup, j’ai appris qu’elle était championne du monde de taekwondo !
Il y a aussi un stress constant tout au long de l’année : puisque l’on joue en compétition en fonction de son poids (moi par exemple je suis dans les moins de 73 kilos), je ne peux pas trop prendre ou perdre de poids, c’est aussi une contrainte.
Il y a bien sûr des jours difficiles, où je n’ai pas envie de m’entrainer, mais juste de me reposer, mais dès que l’entrainement commence, je suis heureuse.
Toutes ces contraintes et cette assiduité font de ton quotidien une vie hors du commun. Te sens-tu en décalage avec les autres jeunes de ton âge ?
Oui et non : je n’ai pas l’impression d’avoir raté ma vie sociale. Je prends des verres avec mes amis le weekend, j’arrive à trouver le temps : c’est un rythme de vie fatiguant, mais je suis habituée. Je n’ai peut-être pas eu la même adolescence que tout le monde, surtout lorsque je voyageais seule pour les compétitions, à 14-15 ans déjà. Pour les compétitions, je voyage un peu partout : en Europe, en Asie, en Amérique … j’ai des amis partout autour du globe !
Je dirais que j’ai peut-être grandi trop vite à cause de mon lifestyle. C’est particulier : à peine rentrée de l’école, je pars m’entrainer ; je n’ai jamais le temps de regarder Netflix ou Instagram, ou même de sortir en semaine. C’était parfois dur d’être assidue, de rater des sorties : je me retrouvais à dîner dans ma voiture entre l’école et l’entrainement.
Je me suis blessée aussi, et de mes 16 à mes 18 ans je ne pouvais pas m’entrainer. C’est à ce moment que j’ai vu le décalage : j’avais six heures de temps libre entre la fin de mes cours et l’heure du coucher, et impossible de savoir quoi faire de ce temps. J’avais fini par demander à mes amis ce qu’ils en faisaient : sieste, écrans, réseaux sociaux…
Mais je ne veux rien d’autre, en fait. J’aime ce que je fais, j’ai ça dans le sang. Le Taekwondo, ce n’est pas juste un sport de détente, c’est un lifestyle ; un full package.
Lors de tes compétitions, tu représentes fièrement le Liban : comment vis-tu le fait de représenter ce pays avec les conditions actuelles difficiles ?
Lors des compétitions, nous ne recevons aucune aide du pays : je paye tout de ma poche : hôtel, transports, nourriture. Je suis bien sûr contente de voyager, mais c’est challenging sans soutien financier.
Je suis très reconnaissante de pouvoir me payer ces voyages, mais j’ai beaucoup de coéquipiers qui n’en ont malheureusement pas les moyens.
Evidemment, je suis très fière de représenter le Liban, bien que nous soyons dans des conditions particulières, mais cela me permet à mon échelle de donner des good vibes, d’encourager les gens, et d’enfin partager des bonnes nouvelles à la télévision !
Je pense que lorsque le Liban ramène un prix des compétitions, on l’apprécie d’autant plus, peut-être plus qu’un autre pays.
Dans une société comme celle du Liban, c’est dur d’être fière de faire du taekwondo. J’ai essuyé beaucoup de réflexions de personnes qui pensaient que ce n’était qu’un sport pour les garçons, que ce n’est pas assez féminin. Ces personnes-là aujourd’hui sont devenues fières de moi ! Mes parents m’avaient énormément soutenu, ils ne m’avaient jamais fait sentir que c’était inhabituel pour une fille de pratiquer ce sport-là.
Où en es-tu maintenant dans la pratique du taekwondo ? En quoi cela t’a forgée ?
Je continue les compétitions tout au long de l’année, et je suis en parallèle coach pour les petits enfants. Au taekwondo, on a un coach qui nous accompagne dans nos entrainements : j’ai le même coach depuis mes quatre ans !
Être coach, ça me permet d’avoir une nouvelle perspective sur la pratique du sport : je comprends mieux mes erreurs et jepeux m’améliorer. Et le fait de toujours m’entrainer comme athlète, ça me permet de mieux coacher mes élèves : c’est gagnant-gagnant.
C’est un sport qui te booste ta confiance en soi : j’étais super timide avant. Et je trouve ça génial de voir cette évolution chez mes élèves : ils progressent tellement vite !
Maintenant que j’ai fini mes études, je me concentre exclusivement sur les entrainements : je suis dans mon « peak time » : cette année promet plein de compétitions, notamment la coupe du monde de Taekwondo au Mexique en novembre : je deviens vraiment une athlète professionnelle.
Depuis petite, je rêve des Jeux Olympiques, alors je me dis pourquoi pas ceux de 2024 … ?
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