Librement adapté de la vie de Joana Hadjithomas, Memory Box s’inspire directement d’une véritable correspondance que la réalisatrice a entretenue pendant la guerre, à laquelle ont été ajoutées les photographies qu’a prises Khalil Joreige durant la même période. Réalité et fiction se mêlent donc dans une histoire à la narration double. D’un côté, le Liban des années 1980, avec tout ce qu’il comporte de tensions et de crises, portée par la jeune Maia, solaire, fougueuse et amoureuse. De l’autre, le Canada enneigé de la même Maia devenue mère et de sa fille Alex qui ne connaît que trop peu le passé de sa famille. D’un côté, les images au Super 8, les négatifs des photographies argentiques et les cassettes audio. De l’autre, les réseaux sociaux et l’instantanéité de la communication. D’un côté, les bombardements et les immeubles écornés sont dédramatisés par l’euphorie colorée de la jeunesse des années 1980. De l’autre, la sérénité des célébrations de fin d’année exhibe le calme trop plat du non-dit.
Grâce à l’utilisation de textures, de lumières et d’effets visuels, ainsi qu’un travail sur la tessiture sonore, Joana Hadjithomas et Khalil Joreige parviennent à recréer un passé dans lequel le spectateur, tout comme Alex en cachette de sa mère, se perd. Tous deux plongent alors dans une histoire qu’ils ne peuvent se figurer qu’à travers les dires d’une jeune fille. Si quelques fragments de l’Histoire sont insinués à travers un quotidien rythmé par les check-points et les nuits passées dans la cave de l’immeuble familial, ce sont les souvenirs qui marquent la narration, les petits détails qui font une journée, et les étapes qui marquent la vie d’une adolescente désormais habituée à la violence.
Les parallèles avec l’actualité du Liban sont parfois frappants, la monnaie dévaluée et les coupures d’électricité notamment. Et comme en signe d’un éternel recommencement, les dernières images laissent à imaginer que, pareil au cycle solaire, l’Histoire se répète, inlassablement.
Memory Box, porté par Manal Issa, Rim Turki et Paloma Vauthier, est à retrouver dans les cinémas libanais à partir du 3 mars 2022.
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