« Mon intérêt accru pour la consommation s’est déclenché plus précisément à la suite d’un voyage en Slovaquie alors qu’elle venait tout juste d’adhérer à l’Union européenne (en 2003).  Une agente de tourisme m’avait dit au détour d’une conversation : « Nous avons un Mc Donald maintenant.  D’ailleurs, on a aussi notre premier centre d’achat.  Les gens sont tout le temps, là ».  Puis en baissant la voix, elle m’avouait : « Avant, les parents prenaient leurs enfants, dimanche, visiter la famille, maintenant ils les emmènent au centre d’achat. »  J’y suis allée au « mall » de la petite ville de Bratislava et là, j’ai compris.  Des noms de boutiques célèbres avaient détrôné le charme de la ville et de ses habitants tout simples que j’avais tant apprécié.  Dans ce repaire balbutiant de la consommation, j’étais redevenue comme partout ailleurs : une cliente » *

Une cliente. Un numéro dans une comptabilité, sans âme et sans personnalité. 

Est-ce que Covid nous aurait appris combien nocifs sont les centres d’achat, ces espaces fermés où la vie sociale est recréée de toutes pièces autour de la consommation ? On y trouve de quoi manger, s’amuser, passer (et perdre) le temps, se retrouver et bien sûr acheter tout et (surtout) rien. Mais adieu les bistrots, les terrasses, les places publiques, les bancs au soleil, les rendez-vous sous un porche, dans une cour ombragée, ou sur un rocher les pieds dans l’eau. Oubliés les restaurants bondés, les salles de théâtre et les propriétaires de boutiques qui jasent sur le pas de leur porte. La vie dans un « mall » ressemble à toutes les vies dans les « malls » de toute la terre, uniformes et planifiées pour engraisser la machine, la société de consommation.  

*In Consommation Inc, Fides, 2018, p. 12