Aujourd’hui, pour célébrer le troisième article des “grands-mères de Louise”, je vous emmène chez Catherine Nasr, née Bacholle.
Vous l’aurez donc compris, j’ai rencontré la grand-mère de l’Agenda Culturel.
Catherine m’a ouvert la porte de son grand appartement en plein cœur d’Achrafieh. Véritable musée/maison, on y trouve des reliques du monde entier. Entre les peintures orientalistes et les encres japonaises posées sur des commodes syriennes incrustées de nacre, un tableau me captive plus que les autres : une huile sur toile aux couleurs froides représentant une palmeraie. « Tu as bon goût, c’était le dernier coup de coeur de mon mari » me dit Catherine, le regard rêveur.
Dans cette maison colorée avec des tissus, et des broderies extrêmes orientales, un grand verre d’eau fraîche et des maamouls m’attendent, posés sur la table. Peu importe si c’est par naturalisation ou origine, je suis vraiment dans une maison de grand-mère libanaise.
Catherine est une femme douce et calme. Main croisée sur ses genoux, elle a recueilli ses cheveux gris dans un petit chignon bas reliés par une pince noire. Elle porte un t-shirt aux couleurs vives qui détonne avec sa coiffure sage. Quand je regarde de plus près, je m’aperçois qu’imprimé dessus, c’est une photo d’elle et ses petits-enfants. Mamie gâteau, elle le porte avec fierté.
Nous nous mettons à bavarder. Française née en Algérie en 1942, elle est arrivée au Liban en 1963, à 21 ans, pour enseigner le Français à Notre Dame de Nazareth. Quand elle me raconte sa décision de partir, son arrivée dans le pays, ses premières sensations, je ne peux m’empêcher d’avoir un sourire en coin, moi qui suis venue m’installer à Beyrouth au même âge.
Catherine vit sa jeunesse pendant l’âge d’or du pays, aux côtés de son mari Emile Nasr et de ses trois enfants. Dans ce Liban flamboyant, elle me confie avoir été frappée par l’importance du paraître, elle qui a toujours été une femme simple et sans artifices.
Vingt ans après le mandat, l’influence française était encore bien présente. “Je me suis assez vite rendue compte que celle-ci n’avait pas fait que du bien au Liban”. Elle me confie que son mari lui racontait comment il était mal vu de parler arabe dans son enfance et que pire, les enfants étaient punis lorsqu’ils le parlaient entre eux dans la cour. “Cela a créé des générations de Libanais qui parlaient mieux le français que l’arabe, dont mon mari, et je suis persuadée que cela créé une fragmentation de l’identité”. Elle me raconte que l’amour du Liban a toujours été présent dans l’éducation que son mari et elle ont donnée à leurs enfants, tout comme la langue arabe “Je voulais que mes enfants soient fiers d’être français, et fiers d’être libanais”.
Son sourire et les photos qu’elle me montre témoigne d’une vie heureuse, remplie d’amour et de joie. Toujours entre la plage et les sommets enneigés, la petite famille de cinq a parcouru le Liban et parfois la Syrie tous les week-ends, entassée dans la voiture.
En 1975, Catherine et son mari quittent le Liban pour la France. Là, elle a le choix : rester en sécurité dans son pays d’origine, ou vivre la guerre dans son pays de cœur. Finalement, les Nasr n’ont pas souhaité fuir. Comme une vraie Libanaise, Catherine vit la guerre, ses peines, la peur, mais aussi les petites joies du quotidien qu’ici, on a appris à apprécier.
Entre temps, la sonnerie retentit : une veille amie, Afaf professeur de philosophie, vient lui rendre visite. Comme dans une conversation libanaise typique, on prend des nouvelles en passant de l’arabe au français. Je me retrouve à discuter avec elles, de tout et de rien, surtout de l’avenir du pays.
Pour ses enfants et petits-enfants qu’elle aime tant, par amour pour son pays d’accueil et ce pour quoi son mari s’est battu toute sa vie, Catherine espère que le Liban se relèvera « je fais confiance à la jeunesse libanaise, c’est eux notre futur, nous devons leur laisser la place ». Elle qui a grandi à une époque où la France était une puissance coloniale, me parle des merveilles du Moyen-Orient, région riche en culture, littérature, architecture ou encore gastronomie : « Pour moi, le Liban et les pays de la région n’ont rien à envier à l’Europe ou aux États Unis, ils doivent se défaire des influences internationales ».
Après plus de deux heures de conversation, je quitte mon hôtesse. Voir « Kaki » (son surnom de grand-mère que lui a donné sa première petite fille) s’animer avec passion, comme une petite fille, quand elle parle du Liban me touche au cœur. Ses yeux qui brillent parlent de l’espoir qu’elle a pour l’avenir du pays auquel elle est si attachée !
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