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“TU AS AIMÉ LE LIBAN ?”, ÉPISODE #3

04/03/2021

 

 

“Tu as aimé le Liban?”, c’est cette phrase que les Libanais répètent inlassablement à chaque Français venu les visiter. “Tu as aimé le Liban?”, c’est l’archétype d’une traduction trop littérale, injustement conjuguée, représentative du multilinguisme qui caractérise le pays. “Tu as aimé le Liban?”, c’est l’expression d’une hospitalité envers le visiteur, mais aussi le reflet de préoccupations concernant la situation politique, économique et sanitaire. Oui, on a aimé le Liban, mais on l’aime encore, et on l’aimera. 

 

 

TU AS AIMÉ VIVRE AU LIBAN ?

 

Yael : Cette semaine, pour changer, je ne vais pas vous parler de ce que j’ai mangé, mais plutôt de ce que j’ai fait : j’ai déménagé. Je me suis véritablement installée. Après plus d’un mois passé dans un Airbnb à Mar Mikhaël, je déménage pour Furn el Chebbak, quartier moins touristique, peut-être plus authentique. C’est surtout pour l’appartement que j’ai pris cette décision. Cette ancienne maison libanaise rénovée, avec son carrelage traditionnel au sol, son balcon orné de décorations, et sa grande terrasse donnant sur la rue de Damas m’ont tout de suite charmée. 

 

 

 

Mais c’est aussi pour la décoration intérieure et surtout pour Omar, mon colocataire, et son univers singulier que j’ai su que c’était une expérience à ne pas rater. Notre appartement ressemble à un shop, une boutique, avec tout un tas d’accessoires et d’habits loufoques, tous de seconde main, qu’il vend sur Beyrouth (@lemarchand_dereves sur instagram). Une pièce entière leur est dédiée, mais l’appartement est aussi tapissé de belles affiches et photos, digne d’un décor de film, puisqu’Omar est aussi photographe et scénariste. La lumière naturelle qui illumine l’appartement toute la journée a achevé de me convaincre. Pour toutes ces raisons, j’ai rejoint « The Space » comme il aime l’appeler, cet endroit où l’on semble pouvoir être qui l’on veut, se déguiser en qui l’on souhaite.   

 

 

TU AS AIMÉ BEYROUTH ?

 

Emma : Fief de la communauté arménienne au Liban, Bourj Hammoud se distingue nettement du reste de Beyrouth. Comme un village autosuffisant à la lisière de la capitale, le quartier s’est construit autour d’une identité bien particulière : de bas immeubles reliés par 

de nombreux fils électriques et des petites ruelles très animées. Surchargées de marchandises, les joailleries, épiceries et friperies se succèdent. Les queues de clients devant les restaurants de lahm bi ajin et de soujouk ne tarissent pas. Les nombreuses boutiques de contrefaçons regorgent d’inventivité pour détourner noms et modèles des marques de luxe. Les taxis-service se faufilent entre les piétons, klaxonnent plus que de raison. 

 

On arpente le quartier tranquillement, au gré de nos découvertes, des odeurs et des couleurs. Le soleil se couche et laisse derrière lui une lumière ambrée. On s’apprête à traverser la rivière qui mène à Mar Mikhaël, lorsque l’on aperçoit un halo de fumée. On croit à un incendie, mais on découvre rapidement que la route est bloquée par des pneus en feu et des manifestants excédés. 

 

TU AS AIMÉ L’EXPATRIATION ?

 

On se démène alors rapidement pour trouver un taxi et s’éloigner avant que ça dégénère. 

A bord de notre service, une scène digne d’un film apocalyptique se profile juste devant nos yeux. Des flammes, de la fumée, on voit à peine et on suffoque derrière la vitre, assistant à ce spectacle, fascinées et effrayées. Un petit tour sur les réseaux sociaux nous suffit pour comprendre les raisons de la protestation : le taux de change a passé le seuil critique des 1 dollar pour 10 000 livres libanaises. Pour ne rien arranger, l'électricité se coupe de plus en plus souvent. La colère monte, et on comprend pourquoi. Si on a parfois tendance à oublier, et à vaquer à notre vie, aussi paisible soit elle, la réalité du Liban nous rattrape bien souvent. 

 

Si l’on ne peut évidemment pas considérer vivre la crise que traverse le Liban avec ses habitants, on a tout de même largement conscience du sentiment de révolte qu’éprouve la population libanaise face à la situation économique et politique du pays. On y est directement confrontées, et donc constamment ramenées à notre réalité d'expatriés privilégiés. Et s’il y a bien un cliché auquel on tient à ne pas être associées, c’est celui de l’étranger qui profiterait du désespoir d’un peuple pour vivre à bas coût. 

 

 

Face à une situation déroutante, les Libanais vous diront « C’est le Liban », façon de vous expliquer que si vous pensez avoir compris le Liban, c’est qu’on vous l’a mal expliqué. Mais on cherchera, du mieux qu’on peut, à le déchiffrer : 

Leçon n°3 : La souffrance de toute une population est un bien triste spectacle, et devoir rester impuissantes est difficile à accepter. 

 

Nos coups de cœur de la semaine:

- Oui, c’est la honte, mais on vient de découvrir The Art of Boo. Ses caricatures de la société libanaise dans un style épuré, en noir et blanc, font à la fois sourire et réfléchir.

- On ne peut que vous recommander le travail d’Omar Sfeir (omarsfeir.com) : des photos, des vidéos, des longs métrages, une vision du Liban comme un pays vivant et coloré. Il sort bientôt un film à propos des droits de la communauté LGBTQ+ au Liban. A suivre de très près.

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