Les journées sont lourdes, vides, difficiles à colorer… Puis, il y eut, comme un rayon de soleil printanier dans une lucarne de prisonnier, une petite phrase lancée par un responsable.
Parce qu’il y a des jours, des soirs, des nuits où ce qui se passe autour est tellement dur, incompréhensible, qu’on a de la difficulté à ne pas sentir son cœur en bouillie.
Il y a eu ce pape tout de blanc vêtu qui priait à la Place St Pierre avec les fantômes d’hommes et de femmes qui se cachaient, par milliers en chair et en os, dans leurs tanières, chacun devant son écran. Il y a eu ce « Vivement dimanche » avec Michel Drucker seul sur ses canapés rouges, sémillants, dépouillés de rires, de réactions, de créations, de discussions animées, seul survivant comme perdu dans le vide qui nous engloutit.
Il y a ces moments où l’on se sent ratatiné par les ans, la vie, le temps qui n’est plus. Ces instants fugitifs où le remords nous prend à la gorge : « Comment a-t-on foutu tout en l’air ? Comment n’avons-nous pas sacralisé l’immense beauté des êtres, de la nature, des évènements, de tous ces petits riens qui rendaient un quartier pétillant; un repas à trois gastronomique; un projet de retrouvailles, toute une épopée de bonheur à venir, à rêver, à nourrir nos lendemains… »
Il y a ces descentes au fond de nous-mêmes où le confinement réanime notre spiritualité évacuée pendant si longtemps, avec une inconscience inouïe, en reléguant notre sort à un âge qu’on croyait ne jamais venir. On se remet à parler de la mort. Ce mot tabou. Ce concept que nous ignorions avec acharnement, comme des imbéciles qui ne veulent pas rejoindre notre âme avec qui seul cet isolement féroce nous a reconnecté.
Il y a tout ce superflu devenu caduque, ces avoirs dont on s’est délestés allègrement pourvu que l’essentiel demeure : la Vie… Et toutes les grâces qui l’accompagnent : la santé, l’amour, l’attention, le partage, l’humain, la solidarité...
À écouter notre cœur battre, dans le silence du monde qui s’est mis en pause, il y a quelque chose de grandiose qui se produit. On écoute enfin notre intérieur. Celui qui donne du sens à l’expression : « Vous êtes le sel de la vie ». Vous, les humains, les frères et sœurs qui souffraient de l’isolement, qui luttent aujourd’hui ensemble. Vous voilà, tous, et sans exception, unis par la peur, l’angoisse. Celle des souffrants, des esseulés, des handicapés, des malheureux, des laissés pour compte, des migrants noyés dans les eaux de l’espoir, des opprimés par l’avidité, des affamés oubliés de la Terre.
Chacun dans sa réclusion forcée, indéterminée, effrayante et pourtant pétrie d’espérance, je pensais être une parmi cette immense somme d’individus embarqués dans la même galère, assistés par des gouvernements plus ou moins engagés… Jusqu’au moment où au point de presse quotidien du Premier ministre québécois et de son équipe médicale et sanitaire, il y eut cette magnifique phrase en réponse à une question économique : « L’avant et l’après Covid sont différents. Cela nous force à repenser comment on travaille dans les milieux… comme la question de la conciliation travail-famille… »
Les « systèmes », les responsables, les décideurs auraient-ils donc commencé à comprendre ?
Je me mets à rêver…
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