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Beyrouth face au monstre : le film-témoignage de Philippe Audi-Dor

04/08/2022|Amaya Singh

Alors que les silos à grains du port de Beyrouth, symboles tragiques de l’explosion, sont en cours d’effondrement, il semble d’autant plus important d’entretenir la mémoire sur la catastrophe du 4 août 2020. Selon Philippe Audi-Dor, le travail de mémoire n’étant pas assuré par l'État, c’est à chaque citoyen de témoigner, de quelque manière que ce soit, afin de ne jamais oublier. Il a choisi l’art, et plus précisément le cinéma, pour faire entendre la voix de rescapés de l’explosion et ainsi garder une trace de ce jour qui a changé le visage de la capitale. 

 

Après Wasp, film de fiction réalisé en 2015, et Ruby Red, court-métrage réalisé en 2019, le réalisateur franco-libanais Philippe Audi-Dor signe son premier documentaire avec Beyrouth face au monstre. Réalisé près de deux ans après la catastrophe, ce film de 11 minutes rapporte les témoignages d’habitants d’Achrafieh sur la façon dont ils ont vécu l’après-coup de l’explosion. 

 

Philippe Audi-Dor n’était pas à Beyrouth au moment de l’explosion. Il décide de rentrer au Liban, où réside sa mère, trois jours après, puis une nouvelle fois en octobre 2020. En entendant ce que chacun avait à raconter, il décide d’enregistrer des résidents d'Achrafieh, un des quartiers les plus endommagés par l’explosion et là où se trouve le logement familial. Ces enregistrements ont été combinés à une compilation de vidéos d’Achrafieh, que Philippe Audi-Dor avait filmées en plan fixe depuis son balcon en septembre 2019. Derrière la réalisation de ce court documentaire, il a pour ambition de proposer une version plus intimiste des évènements, de façon à contrebalancer le sensationnalisme et le misérabilisme médiatiques. Dans Beyrouth face au monstre, les personnes interviewées s’expriment ouvertement sur le sentiment de culpabilité d’avoir survécu, la nostalgie du Beyrouth d’antan, les incertitudes concernant l’avenir du pays et le dilemme entre partir ou rester… 

 

Le documentaire, qui s’adresse autant aux Libanais qu’aux étrangers, a été mis en ligne afin de garantir son accessibilité à tous. La date de la mise en ligne du film n’était pas anodine : il a été partagé sur YouTube en mai 2022, au moment des élections législatives au Liban. Philippe Audi-Dor étant Libanais par sa mère, il ne détient pas la nationalité libanaise et ne peut donc pas voter ici. Sortir ce documentaire à cette période était un moyen pour lui de faire entendre sa voix et de lancer un appel au changement face à l’inaction politique. 

 

En plus d’être réalisateur, Philippe Audi-Dor pratique également la photographie et s’est récemment découvert un intérêt pour la sculpture. Il a conçu une sculpture en verre, “Les Brisés”, qui a été exposée au sein de l’exposition “Lumières du Liban”. Cette exposition, qui s’est tenue à l'Institut du Monde Arabe (Paris) du 21 septembre 2021 au 2 janvier 2022, était destinée à rendre hommage à la vitalité et à la résilience de la scène artistique libanaise, un an après l’explosion qui a viscéralement modifié l’ADN de la capitale. La sculpture de Philippe Audi-Dor a été créée à partir d'éclats de verre collectés dans son domicile familial à Beyrouth, endommagé lors de l’explosion. Elle représente une carte du Liban. Celle-ci est brisée mais les tessons de verre qui la composent sont maintenus ensemble grâce à 204 épingles. Les épingles, qui rappellent des silhouettes humaines, représentent les 204 victimes de l'explosion (le nombre officiel de victimes au moment de la création de l'œuvre). Cette sculpture vise à questionner le sentiment d’unité nationale des Libanais, qui ne semble dépendre que d’une expérience commune de douleur et de deuil. 

Philippe Audi-Dor nous raconte sa première expérience en tant qu’artiste plasticien : “au cinéma, les messages passent à travers une narration, avec la sculpture, on a la possibilité d’exprimer une émotion de façon abstraite, plus appropriée, plus directe et plus rapide à exposer au monde”. Quant à ses futurs projets, il nous annonce réfléchir au lancement d’un projet photographique sur les murs de Beyrouth et leurs graffitis, dont les bénéfices iront aux associations qui œuvrent pour la reconstruction de la ville et la protection des sites culturels. 

 

Retrouvez le documentaire de Philippe Audi-Dor, Beyrouth face au monstre.

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