Debout dans une file d’attente au Terminal 2E de l’aéroport Paris-Charles De Gaulle, avec ma valise et mon sac à dos, j’écoute ma musique dans la haute définition de mes écouteurs, mes mains dans mes poches .... la file est longue....
Le terminal grouille de gens de toutes les races et toutes physionomies.
Chaque visage arbore un regard, une fenêtre entrouverte sur ses pensées, son monde intérieur, son univers...
Miracle de la Création … que de vies et d’univers se trouvent dans cette file ! …
Je suis sidéré que chaque être humain puisse être une créature unique et exclusive, dotée d’une face différente de toutes les autres faces humaines.
Comment la vie peut-elle fabriquer des visages toujours différents et continuer à en inventer de nouveaux jusqu’à l’infini ? Phénomène extraordinaire qui mettrait des doutes dans la tête d'un athée endurci sur la justesse de son athéisme.
Un peu plus loin dans la file, une femme aux yeux bridés et aux cheveux noirs-charbon porte un tailleur Chanel; ses traits sont ceux d’une femme cheyenne, mutée à travers les siècles en femme du monde à l’élégance parisienne malgré le regard encore dur qui demeure un témoin rescapé de ses origines.
Et ce monsieur aux yeux ronds et cheveux ébouriffés, Allemand ou Anglais, lui, parle à travers ses écouteurs, très concentré sur sa conversation. Probablement directeur d’une multinationale essayant d’optimiser sa productivité afin de s’offrir un moment de vacances sans être dérangé dans le lieu exotique vers lequel il tente de s’évader.
Il y a aussi dans cette file un couple d’écolos Danois ou Néozélandais, je ne sais pas, avec deux énormes sac à dos qui les feraient certainement survivre sur un glacier de l’Antarctique ou au beau milieu du Sahara.
Ces deux-là se regardent silencieusement; leurs regards sont chargés de messages muets … Clairement gênés de se trouver dans ce hall à suivre des procédures contraignantes, en dehors de leur habitat naturel, ils sont encerclés de gigantesques affiches qui parlent du monde matérialiste auquel ils sont viscéralement allergiques, ce monde artificiel, divisé en pays, en nationalités, en passeports, pullulant de policiers qui ne devraient pas exister comme l’avait prêché John Lennon dans sa chanson « Imagine » avant d’être banalement abattu par une balle, un soir en marchant dans sa rue.
Et cette femme portant un voile sur sa tête; voile en soie assorti avec un tailleur Saint-Laurent ; c’est l’Islam lorsqu’il se proclame élégant et classe. La religion de cette femme ne l’empêche pas de porter des slippers Hermès et un sac Chanel en même temps que son voile qui la ramène sans ambages derrière les barreaux des rituels médiévaux imposés sur sa vie. Car telle e2tait selon elle, la volonté de son dieu...
Les maisons Dior, et Hermès elles, tant qu’elle achète leur marchandise, n’ont pas d’objections à fermer les yeux sur ces variantes de la mode ni à en élargir les horizons...
Un peu plus loin, deux jeunes athlètes de deux mètres de haut, aux baskettes Michael Jordan trouvés chez Nike, dont le caoutchouc tout terrain et ultra léger, a atteint les pics de la performance et du confort.
Leurs habits, conçus avec des alliages de coton synthétique mélangés de lin artificiel, permettent à l’épiderme de respirer en gardant le corps chaud lorsqu’il fait froid et le corps froid lorsqu’il fait chaud. Pas besoin d'essayer de comprendre.
Tous ces membres de la file ressemblent à des moutons qui attendent la liberté pour vaquer à leurs très importantes occupations. Arborant des airs très sérieux, chacun d’eux semble bien maîtriser sa vie et chemine avec résolution dans le monde qu’il s’est créé, parallèlement aux parcours des autres humains.
Le sens de la vie, ils semblent tous l’avoir trouvé.
Chacun a sa vocation et en a l’air très persuadé ; que ce soit l’argent, le succès, le business, le sport, l’écologie, le show-off, la religion ou bien la philanthropie, on est tous bien résolus et on chemine dans notre vie et nos convictions …
Et à partir de là chacun devient consciencieusement l’acteur du grand rôle de sa vie sans le questionner.
Pas la peine d’y réfléchir davantage.
Notre monde ressemble à un monde de robots tous en modèles uniques et tous très pressés...
C’est la grande comédie humaine .
Mais oups ! je réalise soudain que je suis arrivé au comptoir, et que je dois vite sortir mes papiers qui j'espère sont en règle, sinon, ce sera moi qui ne pourrai pas vaquer à ma vie que je crois si importante…
Fin de la méditation dans la file d'attente …
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