« La langue française fait partie de l’identité libanaise »
25/03/2025
«Parler français c’est un plus, c’est avoir davantage de cartes en main ». Tels sont les propos de Son Excellence Hervé Magro, ambassadeur de France au Liban qui s’est exprimé, loin de la langue de bois, dans une entrevue spéciale à Elsa Yazbek Charabati.
Culture, patrimoine, histoire, diplomatie. Le lieu s’y prête et l’interview aussi. Son Excellence M. Hervé Magro nous reçoit à la Résidence des Pins « qui est un symbole de la relation entre la France et le Liban et sans doute aussi un symbole entre la France et cette région du monde qui nous est particulièrement chère parce qu’elle fait complètement partie de notre histoire ». Ancien Ambassadeur de France en Turquie, plus tôt Consul Général à Jérusalem et Directeur des Archives diplomatiques, historien et diplomate de formation, Hervé Magro connait bien la région.
A l’occasion du mois de la Francophonie, quel tableau pouvez-vous dresser de la place du français dans la région et particulièrement au Liban ?
Il ne faut pas se cacher, la francophonie au Liban a reculé. Je ne parle pas de déclin, je parle de recul. Il faut faire ce constat, parce que la situation internationale est ce qu’elle est, la place de l’anglais est ce qu’elle est. Mais la réalité est aussi là : au Liban, il y a encore plus de 50 % des écoles qui sont francophones. Et on a de plus en plus d’écoles anglophones qui demandent des labellisations en français.
J’aimerais que les Libanais se rendent compte qu’ils ont une vraie chance de parler français… Dans leur environnement régional, ils ont une spécificité qui leur a forgé une identité. Je pense que le français fait partie de l’identité libanaise. (…)
L’intérêt, me semble-t-il, des familles est de continuer à mettre leurs enfants dans l’enseignement francophone en se disant qu’il va leur ouvrir beaucoup plus de portes qu’elles ne l’imaginent y compris dans le domaine de l’entreprise.
Justement, vos campagnes actuelles l’annoncent : « Mon avenir parle français » n’est-ce pas ?
La vision du président de la République Emmanuel Macron de faire de la France une « Start up Nation », comme on dit en bon français, et un des pays leaders dans le domaine des nouvelles technologies, est une preuve que la France a une grande capacité d’être dans les grands mouvements des siècles à venir.
On marie là l’éducation, la recherche, l’université, l’entreprise… Cette conjonction entre les langues et l’entreprise prouve que, grâce au français, vous êtes axés sur l’avenir.
D’ailleurs, aujourd’hui, plusieurs entreprises françaises, comme CMA CGM, Publicis, Thales, ont développé leur « hub » régionaux, voire mondiaux au Liban … parce qu’elles trouvent à la fois des gens très bien formés, multilingues et qui peuvent rayonner sur la région et sur le monde. Les Libanais peuvent utiliser, l’arabe, l’anglais, le français et cela donne à Beyrouth ce plus par rapport aux autres pays de la région.
Une région particulièrement marquée par les violences ces derniers mois. Quel est le rôle de la France dans ce Moyen-Orient déchiré par les guerres et face aux nouvelles dynamiques régionales et internationales ?
Notre rôle aujourd’hui est un rôle d’assembleur. Evidemment, nous sommes à une période de l’histoire où c’est la force qui s’exprime, mais le temps de la diplomatie arrive toujours à un moment ou à un autre et on a toujours besoin de pays qui sont capables, d’assembler, de rassembler. Aujourd’hui, c’est ça notre rôle, même si c’est compliqué.
« Vers l'Orient compliqué je volais avec des idées simples », disait le Général de Gaulle en 1941, comment résonne pour vous, cette célèbre phrase aujourd’hui ?
Je ne veux pas me comparer au Général de Gaulle, qui était pour moi sans doute un des plus grands visionnaires du XXème siècle, qu’on soit Gaulliste ou pas, c’est un autre sujet. (…)
Mais pour répondre à votre question, l’Orient est compliqué et l’Orient a besoin de temps pour trouver les réponses. Il y a une fracture entre notre désir et besoin de trouver des solutions rapides et la réalité des sociétés qui n’ont pas encore trouvé leur point d’équilibre, parce que c’est un processus très long.
M. l’Ambassadeur quel est pour finir votre souhait pour la francophonie au Liban ?
La francophonie, c’est un apport à son épanouissement personnel et à sa réussite. Je ne souhaite qu’une chose : que tout le monde s’en rende compte, sans exclusivité, sans bataille contre d’autres langues. Parler français, c’est un plus qui permet à chacun d’avoir davantage de cartes en main.
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