Lecture 81 : Le salon de massage, Mazarine Pingeot
16/05/2024|Gisèle Kayata Eid
Deux jambes lascives, un titre curieux et une signature qui n’est pas sans intérêt. Je choisis le livre et lis la préface de Milan Kundera : « Chaque roman dit au lecteur : les choses sont plus compliquées que tu ne le penses. » Une constatation que je découvre personnellement au fil des jours et des lectures. Et celle-ci n’en fait pas exception.
Une jeune femme, Souheila, semble tout avoir. Un travail satisfaisant, un compagnon à ses petits soins, amoureux comme au premier jour, une vie tranquille et pourtant elle sent le besoin de fréquenter un salon de massage où elle prend plaisir à se faire masser, et sans comprendre pourquoi, en cachette. Jusqu’au jour où tout se complique quand elle retrouve le salon fermé. Sa secrète quiétude est chamboulée et encore plus quand elle apprend le scandale qui a exigé sa fermeture. Toujours pas d’intrigue à ce niveau. On sait très vite que les femmes ont été filmées à leur insu, nues, étendues sur le ventre pour satisfaire des voyeurs qui payaient pour profiter de ces moments intimes… Rien de trop méchant peut-être mais suffisamment pour que se déclenche une action en justice.
C’est là que réside tout l’intérêt du roman : la position et les arguments des ultra-féministes, des revanchardes, des discrètes, des indécises mais aussi le point de vue de celles qui réfléchissent sur l’incidence de cet « affront » dont Souheila. C’est par touches introspectives, par retour au passé, à ses blessures d’enfance, sa relation avec sa mère, qu’elle évolue pour mieux se comprendre et saisir son « errance » dans la vie et reconnaître ses désirs profonds…
On n’en dira pas plus sur le côté romanesque du livre, schéma plutôt classique.
Ce qui est nouveau et curieux, c’est la discussion des dames qui se réunissent régulièrement pour mener leur action en justice. On a là toute la gamme des réactions qu’une atteinte à l’intégrité physique des femmes aujourd’hui suscite : humiliation, honte, dégoût, violation, délit, crime… En reprenant les paroles de ces femmes qui se concertent, l’auteure illustre comment l’offense, toujours la même pour toutes, prend de l’ampleur selon la susceptibilité ou la recevabilité de chaque femme quand on touche à son corps, même quand il n’y a pas eu de geste ou d’intention directe à sa personne.
Les activistes de Me#too pourraient peut-être y trouver quelques éléments de modération à leur mouvement.
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