Nous nous verrons en août, Gabriel Garcia Marques, Grasset, 2024
Un livre qui se lit avec dévotion. Comme on regarderait un vieux bijou de famille qu’on tient entre les mains et qu’on contemple avec admiration et respect. Peut-être désuet, mais si précieux. On a peur de le lâcher tant il est valeureux, empreint d’émotion.
On sait que l’immense auteur colombien à qui l’on doit l’incommensurable « Cent ans de solitude », un succès planétaire dès 1967, a perdu la mémoire durant les dernières années. Lui, si rigoureux habituellement, a beaucoup souffert de l’effet néfaste de cette incapacité d’écrire, c’était pour lui une source de frustrations terribles.
« Nous nous verrons en août » est le fruit de son ultime effort pour continuer à écrire contre vents et marées. Le processus a été une course entre le perfectionnement de l’artiste et ses facultés mentales qui s’estompaient… avant que l’auteur de « L’amour au temps du choléra » ne décrète désespérément après plusieurs versions : « «Ce livre ne marche pas. Il n’y a qu’à s’en débarrasser. » Ces quelques mots des deux fils du Prix Nobel de littérature de 1982, en postface, expliquent pourquoi Grasset a voulu éditer ce manuscrit, en 2024, à titre posthume (tout comme ses « Écrits journalistiques »). Le lecteur comprend alors le léger égarement du roman qui semble être inachevé.
C’est l’histoire d’une femme qui, pour commémorer la mort de sa mère, retourne chaque année sur sa tombe lui porter un bouquet de glaïeuls… et se paye une nuit folle avec un amant différent chaque année.
Gabo, comme l’appelaient ses intimes, avait écrit cinq versions de cette histoire. C’est à un travail de restauration des différentes versions annotées que l’éditeur s’est attelé avec beaucoup de déférence à l’égard de la stature de l’écrivain. Le résultat est un roman sensuel, tant par les descriptions de l’île des Caraïbes, par les pensées érotiques de l’héroïne que le phrasé du grand disparu en 2014.
C’est cette même sensualité que j’avais relevée, il y a quelques années, à l’occasion d’une de mes recensions d’ouvrages nouvellement parus, sans avoir le plaisir de la voir publier. Pour la petite histoire, le secrétaire de rédaction de la revue à laquelle je collaborais avait refusé de faire la publicité à un livre « qui vantait les bravoures d’un homme de 90 ans qui avait voulu s’offrir une folle nuit d’amour avec une adolescente vierge de 14 ans ». « Mémoires de mes putains tristes » (Grasset, 2005) pourtant raconte une belle histoire d’amour puisque le « dépravé » en question, quand il découvrit la toute petite jeune fille endormie, ne voulut pas la réveiller et développa pour elle un amour platonique !
Le livre est disponible chez Antoine
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