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Lecture 89 : Gaza, Mazen Kerbaj

18/03/2025|Gisèle Kayata Eid

Gaza, Mazen Kerbaj, Actes Sud, 2025

 

Mazen Kerbaj est connu pour son humour noir. Dans son dernier livre, tout juste sorti fin janvier 2025, c’est tout en lui qui est noir * : son humeur, sa révolte, son impuissance, ses chagrins, voire son désespoir. Le bédéiste qui manie la trompette encore mieux que son crayon a tronqué pour une fois la satire pour la rébellion. Son humour trash ne s’amuse plus à relever avec son regard caustique les travers de la société. Sa plume qui tire à boulets rouges sur les sujets d’actualité de notre région est souffrante dans ce livre aux allures de pamphlet.

Tout le long des pages « crachées » plutôt que dessinées, c’est l’écrivain révolté en lui qui, plutôt que les bulles, dénonce avec de durs coups de crayon la violence de ce qui se passe à Gaza bombardée sans répit par Israël, depuis le 9 octobre 2023, du moins jusqu’à septembre 2024, date à laquelle il a arrêté son journal de guerre.

De Berlin où il est installé, le bédéiste a relevé au jour le jour les horreurs perpétrées dans l’enclave palestinienne. Il y avait fait allusion dans son dernier ouvrage « Je pense donc je ne suis plus », publié aussi chez Actes Sud (Arte éditions) en 2019. « Jouons avec l’armée israélienne » propose de relier les cadavres aux cercueils correspondants. Une paire d’yeux dans le noir qui demande à une autre : « Où tu as mis les bougies » et l’autre de répondre : « Je les ai données à manger aux enfants ». Le ton était encore à la satire.

 

Dans « Gaza », les mots sont griffonnés avec rage et amertume. « Chaque pire nous fait croire que c’est le pire jusqu’au prochain pire ». Opérant une veille systématique des médias et des réseaux sociaux, il retranscrit avec précision ses réflexions personnelles et tout ce qu’il voit, entend ou lit qui fait réagir sa sensibilité d’artiste écorché. Conscient de la gravité de la situation « Ça fait peur de savoir qu’on vit dans une dystopie réelle », il accuse le silence des nations : « Le silence du monde est plus effrayant que le bruit des bombes » et dénonce l’engourdissement de la planète : « À quel moment exactement PLUS JAMAIS ÇA est-il devenu CHAQUE JOUR ? » Lucide, il affirme : « Il reste juste assez de liberté d’expression pour dire qu’il n’y a plus de liberté d’expression » et appelle à la conscience planétaire : « La Palestine est la boussole du monde ».

Mais c’est surtout la douleur, la souffrance du peuple palestinien qui l’interpelle : les enfants terrorisés : « Le visage de ce garçon à l’hôpital me hante. Comment puis-je représenter ses tremblements ? », les blessés : un petit amputé de la main qui demande : « Je veux juste tenir ma main ».Un trait de crayon dur et cinglant à l’instar de sa quatrième de couverture qui montre une fillette qui dit : « Je suis la fille de deux dommages collatéraux ». Expression méprisante utilisée par l’armée israélienne pour signifier les pertes humaines occasionnées par leurs bombardements.

 

*À l’heure de publier cet article Mazen vient de perdre son père, l’acteur Antoine Kerbaj

 

Le livre est disponible à la librairie Antoine

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