Dans l’intimité des Phéniciens, Naji Karam, Éditions Baudelaire, 2024
07/03/2025|Gisèle Kayata Eid
Le livre sur les Phéniciens qu’on devrait déguster pour enfin sortir de la « sourde confusion » et de « la tourmente intellectuelle » autour de leur histoire et de leurs origines qui nous faisai(ent)t patauger dans une mare de théories contradictoires dont chacune se voulait scientifique, authentique et fondée sur « L’Histoire, la « vraie ».
C’est à partir de cette perplexité, source de beaucoup de controverses, à l’instar de l’amalgame entre Cananéens et Phéniciens ou la reconnaissance de cités phéniciennes mais pas celle d’une civilisation phénicienne ou encore l’étendue du territoire de cette dernière, son identité, son art… Beaucoup de questions litigieuses qui ont suscité autant de débats dans lesquels se sont engouffrées la politique et les idéologies, chacune tirant la couverture de son côté. Bref, « Plutôt que les vérités historiques, les slogans ont pris place noyant l’Histoire dans les mots. »
C’est à ce juste travail de débroussaillage que s’est attelé le professeur d’archéologie, diplômé de Strasbourg, qui a consacré sa vie à l’enseignement supérieur, aux recherches en archéologie et à la défense du patrimoine libanais. Après la publication de six ouvrages, plusieurs articles scientifiques et de nombreuses conférences sur les Phéniciens et leur immense héritage culturel, l’auteur nous offre dans ce petit « livre blanc » un substrat sans équivoque du résultat de son parcours.
Captivant, ce délicieux traité qui se lit comme un roman, au titre sans équivoque, nous introduit dans le quotidien de ce peuple : La place de la musique, du chant, de l’art dans sa vie, celle de la femme dans la société, sa conception de l’au-delà (croyait-il en un Dieu unique ?) Il nous détaille son mode de vie (il précise même son mobilier domestique), ses réjouissances : Ils adorent faire la fête. Il relève leur goût pour l’orfèvrerie et le luxe, détaille ses traditions, comment ils se mariaient et étaient rongés par l’impatience d’avoir des enfants, au moins un « héritier » qui perpétuerait le nom de la famille. On se croirait chez les héritiers actuels des Phéniciens.
Textes à l’appui, l’ancien directeur de l’Institut d’archéologie de l’Université libanaise (branche II) nous raconte l’histoire de cette civilisation (son rapport avec « La Phénicie »). Il narre des légendes souvent truculentes (concernant l’origine de Tyr ou d’Élissa, la reine de Carthage), abonde sur ses exploits en nous rappelant que les Phéniciens n’étaient pas que commerçant (s), mais aussi des marins infatigables qui, parcourant les rivages de trois continents, ont su mettre en relation les peuples de la Méditerranée, diffusant leur art, leur philosophie, leur science et bien sûr leur alphabet, ancêtre de tous les alphabets modernes.
Une lecture qui fait du bien. On y retrouve la rigueur scientifique qui référencie chaque affirmation, nous situe dans le temps avec des repères bibliographiques, nous offre des illustrations de figurines retrouvées, de plans déterrés… Mais surtout on y apprend que la religion des Phéniciens reflète la tolérance et leur esprit pacifique. Leurs divinités… sèment l’amour et le bien-être sur terre…ils se montrent attachés en permanence à leur liberté… ils font preuve d’un esprit convivial incomparable… ils respirent la joie de vivre et l’expriment par les banquets, les fêtes, la danse et la musique…
Le professeur Naji Karam signera son livre le samedi 15 mars au Salon du livre organisé par le Mouvement culturel d’Antélias (Église St-Elie), entre 19 et 21h.
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