Noha Baz publie ‘Les Saveurs du Levant’ aux éditions ”Les petits soleils ”. Cinq livrets qui portent dans leurs titres un voyage, un patrimoine et une histoire chevillée au goût !
Kebbé, Zaatar, Labné, Kaak et Mélasse de grenade se présentent et se déclinent.
Rencontre avec l’auteur.
Pourquoi avoir choisi ses cinq éléments de la cuisine libanaise ?
La réponse se trouve en plusieurs saveurs dans les préfaces des livres.
Ce sont des éléments de la cuisine levantine pas seulement libanaise.
Je menais en parallèle depuis septembre un projet d’écriture sur le Levant (qui est sous presse et qui sera disponible en mai) et l’idée de mettre en orbite autour de ce livre les saveurs de cette région du monde, notre patrimoine gastronomique en quelque sorte est venue spontanément.
Par ailleurs, le contexte très difficile dans lequel le Liban vit depuis 2019 a vu l’immigration de beaucoup de jeunes libanais Plus largement dans le contexte encore plus complexe que vivent plusieurs pays du Levant nous assistons également à beaucoup d’exils, de séparations.
Une constante dans ce chaos demeure celle de la cuisine et de la gastronomie.
Il faut assister un dimanche matin à la ruée vers la manouche chez délices d’orient ou à la Sajerie à Paris où se sont multipliées récemment les enseignes libanaises et levantines.
Quelque soit le point de la planète où les libanais et les levantins se retrouvent il y a toujours une reconnaissance tacite autour du Zaatar, du labné .. du kebbé, des pauses kaaks et du debs reman ou mélasse de grenade dont un simple filet sur une salade magnifie tout !
Nos traditions de table sont une richesse, le Zaatar inscrit dans notre ADN et la manouche est devenue étendard :)
En septembre, Beyrouth était sous les bombes ; la région était (et reste toujours) en pleine mutation. En regardant les horribles images de terre brûlée et de bombardements, je me demandais ce qu’il allait advenir de ce patrimoine. Je me disais qu’il fallait transmettre ces mets qui font partie de notre quotidien, qui se sont adaptés à tous les exils, en petites bouchées, en petits livrets accessibles à tous avec une histoire et des recettes faciles à reproduire.
Je m’efforce aussi effectivement, à travers ateliers culinaires, conférences et livres à offrir une boussole à tous les petits libanais qui naissent et vivent au Liban et ailleurs, une sorte de manuel facile et simple à utiliser.
Manger est un acte essentiel, fédérateur et ludique. C’est un plaisir de transmettre notre culture gastronomique, depuis la manouche jusqu’au debs reman qui habille un Fattouche ou le kaak asrouni qui est la madeleine de Proust de nos goûters.
Ces livrets sont plus qu’un livre de recettes, que transmettent -t-ils aussi ?
Oui vous avez raison. J’aime glisser une recette dans une histoire, la vêtir d’un conte qui parle également d’une région du monde, d’un pays. Je démarre à la source du produit et suit son périple, ses multiples adaptations, les transformations qui l’ont habillé aussi en exil.
C’est toujours passionnant et ça reste ma partie préférée dans l’écriture. Glisser un petit supplément d’âme et interpeller la mémoire, raconter l’exécution de la recette.
La part d’humain en cuisine, ce « nafass » est essentiel, c’est ce qui fait toute la différence dans une cuisine par rapport à une autre. C’est ce qui rend un plat de kebbé inoubliable et qui le pose en référence.
Lorsque je fais un atelier et que je vois les yeux des enfants qui brillent lorsque je raconte l’histoire c’est toujours un intense moment de plaisir et de transmission !
La notion de transmission est récurrente dans vos livres, vos conférences, vos ateliers etc… que voudriez-vous dire aux jeunes, si nombreux qui quittent le Liban aujourd’hui ?
La transmission est effectivement le fil conducteur de tous mes ouvrages. Ce que je dirais à tous ces jeunes que j’accueille d’ailleurs souvent à la maison à Paris pour leur mettre du baume au cœur un dimanche pluvieux autour d’une mloukieh par exemple, suivie d’une osmallieh.
Je leur dirais de ne pas perdre de vue leur port d’attache. Ce Liban et cette partie du Levant qui les ont façonnés …sont incrustés en eux et les rendent uniques. Qu’ils soient fiers de leurs racines et qu’ils ne se contentent pas de se diluer dans la masse mais au contraire d’expliquer le plaisir d’une « arouss » labneh, la richesse des parfums de Zaatar. De partager l’âme de cette région du monde avec les autres.
Si nous présentions une « sofra » ce soir, quelle recette de chaque livre disposeriez-vous sur la table ?
Alors je commencerais par des feuilletés au Zaatar à tremper dans un labneh panaché d’agrumes de piments et d’olives.
Ensuite je présenterais deux plats :
Un poulet à la mélasse de Grenade et aux noix, un fasenjan très populaire au sud Liban ( la première recette m’en avais étais donné par Amal El Zein )
Une kebbé remanieh (le mot kebbé est masculin mais autorisé à être féminin lorsqu’il est suivi d’un adjectif descriptif)
Pour le dessert :
Un kneffeh avec ses petits kaaks au sésame
Ou moins classique une salade d’oranges accompagnée de Barazeks
ARTICLES SIMILAIRES
Dans l’intimité des Phéniciens, Naji Karam, Éditions Baudelaire, 2024
Gisèle Kayata Eid
07/03/2025
'La blessure qui guérit' de Rony Mecattaf
06/03/2025
‘Et au bout, le tunnel’ de Mona Azzam
27/02/2025
Lecture 87 - L’Instruction, Isabelle Sorente
Gisèle Kayata Eid
27/02/2025
Monseigneur Charbel Maalouf présente ses deux derniers ouvrages
Zeina Saleh Kayali
17/02/2025
Lecture 86 : Le capitalisme cannibale, la mise en pièces du corps, Fabrice Colomb
Gisèle Kayata Eid
13/02/2025
La Renaissance française organise un « mini salon du livre » à Beit Tabaris
Zeina Saleh Kayali
11/02/2025
"The Book" et les 40 créateurs
06/02/2025
Identités confessionnelles et nation libanaise
03/02/2025
Nayla Chidiac et l’écriture qui guérit
Zeina Saleh Kayali
26/01/2025