Bousculé par les évènements, je décide de faire une virée au Golfe pour explorer de nouveaux horizons de travail pour ma compagnie.
Sachant que l’aéroport est demeuré ouvert, et écoutant les rumeurs sur sa possible fermeture, je me lance quand même dans mon action mûe par la raison et non pas l'envie.
Rien dans ce pays ne se passe comme on s’attend.
Le maintien de l’aéroport ouvert dans les circonstances actuelles, relève de la science fiction.
Surtout lorsque l'aéroport et la route qui y mène coupent la banlieue sud de Beyrouth en deux; d’un côté Amroussieh, Haret Hreik, Chiah, Laylaki et Bourj al Barajneh, et de l’autre, Hay el Sellom et Ouzaï. Toutes les adresses favorites des F16 israéliens.
Les raids aériens se succèdent jour et nuit sur toute cette zone, et pourtant les avions commerciaux continuent à décoller et atterrir sur le tarmac comme si de rien n'était .
N'essayez pas de savoir comment les dieux se sont mis d’accord dans les coulisses, pour garder l’aéroport à l'écart de cette orgie.
Ayant bouclé mes réservations je prends ma valise et monte en voiture avec mon chauffeur, direction l'aéroport .
Le périple commence.
Sur la route, gracieusement baptisée 'avenue de l’Imam Khomeini', nous roulons, les yeux grands ouverts, guettant le moindre mouvement autour de nous.
Il va sans dire que nous sommes 'heureux et honorés' de retrouver notre cher aéroport .
Anxieux et appréhensifs aussi !
Le moment est grave.
Curieusement, la route vers l’aéroport est propre et nette pas comme le reste du pays.
De grands portraits du sayyed (après son élimination), sont affichés sur les panneaux publicitaires.
Avec des petits slogans sobrement calligraphiés, qui évoquent la victoire. Toujours la victoire...
La présence de ces affiches me fait comprendre que nous ne sommes pas encore sortis de l’auberge.
Plus nous nous rapprochons de l’aéroport et plus le décor apparaît soigné et bien géré, surtout lorsque l’on arrive au poste de l’armée libanaise.
Là, un étrange sentiment me prend.
Je me sens tout à coup dans pays souverain, un pays normal, comme les pays normaux de la terre.
Est-ce là un signe de retour à l’état, ou bien mon imagination qui me joue un sale tour ?
En arrivant à l’aéroport , j'ai l'impression que le pays a été repris en main par l’armée. Un petit réconfort m'envahit.
Les soldats semblent avoir repris du poil de la bête. Leur démarche est devenue plus assurée.
Dans l’aérogare, je passe par la file normale sans trop attendre, et tout se passe normalement à travers une organisation plutôt satisfaisante.
J’arrive à la file d’attente avant les scanners ; là j’ai le temps de regarder les autres voyageurs. D'observer leurs visages...
Je regarde tous ces Libanais et ces familles, qui, comme moi, ont été bousculés à voyager, par la guerre .
Un calme pas commun règne dans la salle.
Les visages sont silencieux et appréhensifs.
C’est comme si une gifle invisible avait était dessinée sur leurs visages. Même les enfants sont calmes et ne pleurent pas.
C’est peut-être l'expression de la résignation me dis-je.
Chacun semble dire tout bas ‘j’espère qu'on sortira de là sans mauvaises surprises’.
Nous sommes finalement dans l'avion.
Le pilote nous souhaite la bienvenue.
L’avion bouge, puis roule, puis décolle.
La banlieue sud apparaît, dans son étendue, toute là, sous nos yeux, comme une pâture qui attend son sort.
On commence à virer vers la mer.
On monte, on grimpe dans le ciel jusqu'à un moment où on ne voit plus que mer, ciel et nuages…
L'avion entier pousse un soupir collectif.
Vous pouvez détachez vos ceintures, messieurs dames.
'Que puis-je vous offrir ?' nous lance, souriante, l'hôtesse de l'air.
Ne venons de quitter l'enfer,
Et notre paradis aussi...
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