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“TU AS AIMÉ LE LIBAN ?”, ÉPISODE #10

06/05/2021

 

 

“Tu as aimé le Liban ?”, c’est cette phrase que les Libanais répètent inlassablement à chaque Français venu les visiter. “Tu as aimé le Liban ?”, c’est l’archétype d’une traduction trop littérale, injustement conjuguée, représentative du multilinguisme qui caractérise le pays. “Tu as aimé le Liban ?”, c’est l’expression d’une hospitalité envers le visiteur, mais aussi le reflet de préoccupations concernant la situation politique, économique et sanitaire. Oui, on a aimé le Liban, mais on l’aime encore, et on l’aimera.

 

 

TU AS AIMÉ LA CULTURE AU LIBAN ? 

 

Yaël : Vivre à l’étranger, c’est aussi être frappé par les différences. Apprendre et essayer de comprendre. Mais parfois, ne pas toujours comprendre l’autre. Une des choses qui m’a frappé, ici, au Liban, a été le rapport étroit avec la religion au quotidien. Mais lorsqu’au bureau, j’ai évoqué l’envie d’aborder le thème de la religion dans ma chronique, j’ai fait débat. J’ai fait débat parce que l’on m’a dit qu’il était trop compliqué d’aborder un sujet si polémique, j’ai fait débat parce que chacun avait sa propre opinion et voulait l’exposer, parce que c’est un terrain glissant, et ce, n’importe où dans le monde, mais davantage au Liban. 

 

Lorsque l’on vit dans un pays laïc comme la France, il est évident que l’on ne saisit pas tout de suite que la religion est omniprésente, ici, à tous les niveaux, aussi bien en politique que dans les conversations de tous les jours. Mon point de vue a d’abord été naïf, un peu utopique : la religion divise, il faut la laisser aux portes de chez soi. Mais si au Liban, la religion distingue, puisque ce pays multi confessionnel n’abrite pas moins de 18 confessions, j’ai aussi compris qu’elle rassemblait. 

Les chiites, druzes, sunnites, maronites, catholiques etc. sont tous Libanais et tous imprégnés d’une religiosité profonde. Au Liban, la religion dépasse la foi : elle définit l’identité, le lien social et communautaire, les choix de vie de chacun. Elle pousse aussi à la sociabilité et à l’hospitalité. A Beyrouth, la mosquée al Amine et la cathédrale Saint-Georges-des-Maronites se font face, illuminées le soir.  Beyrouth est la capitale de toutes les confessions, symbole des idéaux qui y cohabitent. La diversité religieuse est souvent une richesse et elle fait de ce pays un endroit si spécial. 

 

TU AS AIMÉ L’HISTOIRE DU LIBAN ?

 

Emma : Face à une situation politique et socio-économique toujours plus compliquée, les fantômes de l’histoire réapparaissent. Après l’écœurement survient la haine, à l’indignation succède la radicalisation, avec la révolte se mêle la violence. Ressurgit alors le spectre d’un conflit fratricide qui, pendant quinze longues années, a détruit, aussi bien les âmes que le pays. Une guerre qui, trente ans après, ne bénéficie toujours pas de récit national. Un refoulement entretenu par chaque communauté. Un tabou dans les familles. Un silence de plomb au sein des institutions officielles. Un trou dans les programmes d’histoire enseignés dans les écoles. Une absence de mémoire collective donc, qui fait des nouvelles générations les otages d’une omerta.

 

Aujourd’hui comme aux prémices de la guerre, plus de neutralité possible. L’Autre a été désigné coupable des horreurs commises entre 1975 et 1990, et continue aujourd’hui d’être dénoncé comme la source des maux du pays. Répétition traumatique ou mésentente éternelle ? L’Histoire, pourtant, a prouvé que la vérité, à défaut d’effacer, panse les plaies. Reconnaître ses torts, assumer ses responsabilités, c’est permettre le deuil. Demander pardon, c’est désamorcer la rancune. « Comprendre ce qu’est l’atroce, ne pas nier son existence, affronter la réalité sans préjugés » (Hannah Arendt), pour engager une nécessaire réflexion et espérer ne plus avoir à affronter les erreurs du passé. 

 

TU AS AIMÉ VOYAGER AU LIBAN ?

 

Désormais coutumières de la frénésie de Beyrouth, ses buildings et son trafic incessant, il nous fallait sortir de la capitale, partir à la découverte des contrées libanaises et de la diversité de ses paysages. 

Nous nous sommes d’abord rendues dans le Chouf, où nous avons fait un premier arrêt à Baakline pour admirer ses cascades et s’y baigner. L’expérience est revigorante, tant par le dépaysement qu’à cause de la température de l’eau. Nous reprenons la route vers la réserve naturelle de Barouk, en quête de cèdres. La route offre de spectaculaires tableaux dont les multiples reliefs se teintent de couleurs verdoyantes. La journée s’achève face au soleil couchant, seuls parmi les arbres, les montagnes.

 

Le lendemain matin, direction Tannourine pour admirer le gouffre de Baatara, impressionnante cascade aux trois étages. On poursuit jusqu’à Bcharré, où nous découvrons la forêt des Cèdres, emblème du pays, symbole de force et de pérennité. Avant de retrouver Beyrouth, on décide de passer par Batroun, en profiter pour se baigner et rencontrer des amis autour d’un verre. L’atmosphère est douce, annonciatrice d’un été chaleureux, gracieux. 

 

 

Face à une situation déroutante, les Libanais vous diront « C’est le Liban », façon de vous expliquer que si vous pensez avoir compris le Liban, c’est qu’on vous l’a mal expliqué. Mais on cherchera, du mieux qu’on peut, à le déchiffrer : 

Leçon n°10 : Ne pas camper sur ses préjugés. Se tromper est la meilleure manière d’apprendre. 

 

 

Nos coups de cœur de la semaine :

- Le rappeur belge Damso nous livre son cinquième album, plus intime, QALF Infinty, sorti huit mois après la version originelle. 

- Le monologue d’ouverture de La Fille sur le Pont, de Patrice Leconte (1999). Vanessa Paradis y est poignante, en jeune femme déphasée, ingénue, crue.

- Bien évidemment, le nouveau podcast de l’Agenda Culturel “Yaané”. On vous recommande celui d’Aline Deschamps, qui permet de mieux cerner le travail de la photographe engagée. 

 

 

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