On ne présente plus Charbel Rouhana qui est devenu le porte-parole de l’école libanaise du oud à travers notre pays, dans la région du Moyen-Orient et même dans le monde. C’est à l’Institut Philokalia fondé par Sœur Marana Saad et devenu un incontournable interlocuteur de la vie musicale au Liban que se tenait un concert d’une grande originalité. Il est en effet plutôt rare d’entendre dix ouds en même temps et jusqu’à il y a quelques années, cet instrument était considéré comme monodique et ne servait qu’à accompagner des chanteurs. Mais c’est sans compter l’imagination et la créativité de Charbel Rouhana qui avec son ensemble donne un nouvel essor musical à cet instrument historique. Mettre en valeur les potentialités expressives du oud, lui adjoindre la polyphonie (chaque instrument joue une partie différente), diffuser le patrimoine musical libanais, voici quel était le but de ce concert, étape dans un projet encore plus vaste mené par Philokalia et qui s’inscrit dans la valorisation de l’instrument et de ses interprètes.
Le concert présente un florilège d’œuvres, composées par Rouhana lui-même, Iyad Kanaan fleuron de l’école libanaise de composition, mais aussi Marcel Khalifé, ainsi que quelques pièces traditionnelles orchestrée spécialement pour cette formation, comme cette Longa ottomane remise au goût du jour par le très talentueux Nadim Rouhana, fils de Charbel.
Mais la musique n’était pas seule ce soir-là et la poésie, sa « cousine germaine », lui donnait la réplique grâce au grand poète Henri Zogheib qui disait des extraits de sa superbe traduction en langue arabe du Prophète de Gibran. La déclamation poétique était ponctuée par des pièces musicales, en création mondiale, spécialement composées par Charbel Rouhana pour l’occasion, et qui sonnaient comme une harmonieuse joute entre textes intemporels et notes exquises.
Le oud traverse les décennies et les modes grâce à la virtuosité perpétuellement renouvelée de ces excellents musiciens qui en respectent la tradition tout en l’embarquant parfois sur des territoires vierges. Cette soirée consacrée au oud met le doigt sur une génération synonyme de nouvel âge d’or dont le jeu raffiné et jamais exubérant connaît son instrument de prédilection sur le bout des doigts pour mieux l’emmener sur le terrain d’une modernité jamais contradictoire. Charbel Rouhana en passeur chevronné tend les ponts entre hier et aujourd’hui pour rendre le oud plus vivant que jamais et cet instrument en constante évolution a encore de beaux jours devant lui.
ARTICLES SIMILAIRES
Les Jeudis musicaux de Saint Maron : sortir du drame par la beauté
Zeina Saleh Kayali
13/03/2025
'Basques Arabesques' de Naji Hakim : rencontre de cultures et de rythmes
Zeina Saleh Kayali
09/03/2025
Un hiver très vocal à Beit Tabaris
Zeina Saleh Kayali
09/03/2025
Le Liban dans la chanson : Une déclaration d’amour au pays du Cèdre
Nelly Helou
05/03/2025
Jam3a ou la rencontre de musiciens et d’artistes
04/03/2025
Ziad Kreidy sur tous les fronts musicaux
Zeina Saleh Kayali
04/03/2025
Sœur Marana Saad et l’amour de la beauté (Philokalia)
Zeina Saleh Kayali
04/03/2025
Le tsar Berezovsky en son royaume d’Al Bustan
Zeina Saleh Kayali
27/02/2025
Éblouissant concert avec le Requiem de Mozart
Gisèle Kayata Eid
24/02/2025
Beirut Chants et El Sistema Lebanon s'unissent pour une nuit de musique
20/02/2025