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Beethoven, encore et pour toujours

26/03/2020|Alain E. Andrea

Le monde ne tourne plus rond. Aux convulsions du déluge des calamités qui fondent éperdument sur une humanité assaillie par mille maux, vient s’ajouter un « mauvais rêve qui va passer », comme aurait dit Albert Camus, plongeant ainsi notre espèce dans une ère moribonde. Ne sachant plus où se réfugier, seule la musique, cette « brûlure du sensible », offre un asile entre ses noires et ses blanches là où « s’infusent les émotions », pour reprendre des joyaux littéraires du poète Alain Tasso. Et quel autre refuge que les chefs-d’œuvre prométhéens de Beethoven dans lesquels « il semble qu’on voit un dieu aveugle créer des soleils » reflétant clairement une histoire de lutte, pour transcender toutes les frontières et aboutir, grâce à la persévérance et à la foi, au triomphe de la vie sur la mort. Beethoven le dira lui-même, quelques années avant sa mort le 26 mars 1827 : « Je veux prouver que quiconque agit bien et noblement, peut par cela même supporter le malheur ». Aujourd’hui, le 26 mars, 193 ans après la mort du génie de Bonn, et dans le cadre de l’année Beethoven commémorant son 250e anniversaire, nous avons fait appel à Jan Caeyers, l’un des plus grands experts du maestro allemand, pour décrypter les mystères du compositeur de « ces symphonies éblouissantes, tendres, délicates et profondes, ces merveilles d'harmonie, ces irradiations sonores de la note et du chant », comme le dit si bien Victor Hugo. Ainsi, Caeyers fera retentir les majestueuses mélodies d’un éternel poème de passion.  

 

« Avec Bach et Mozart, Beethoven est l’un des grands géants de la musique savante », affirme d’emblée le maestro belge avant de poursuivre : « Bien que Beethoven soit très connu, cette année anniversaire est une belle occasion pour faire deux choses ». La première, concernant les gens qui connaissent « plus ou moins bien le phénomène Beethoven », consiste à approfondir leurs connaissances et leur rapport avec le célèbre compositeur étant donné que « l’univers beethovénien est très riche et complexe ». La deuxième concerne les gens qui « ont déjà entendu parler de ce nom sans pour autant en savoir plus » pour qu’ils puissent, selon lui, découvrir toute la beauté de sa musique. 

 

Il a été dit un jour que la musique de Bach ne ressemble qu’à Dieu, celle de Beethoven qu’à l’humanité. A cet égard, Caeyers, chef de l’orchestre « Concert Olympique » qui fête cette année son jubilé d’étain, mais également un notable musicologue souligne que « contrairement à Bach et Mozart, Beethoven a explicitement transmis un message à l’humanité, un message de fraternité et de tolérance qui n’est autre que le reflet de son rêve d’un monde plus harmonieux ». Un message qui prend tout son sens à l’heure où la pandémie de coronavirus sévit aux quatre coins du globe. « Alors que tout le monde commence, grâce à ce virus, à se poser des questions sur la façon de vivre, le message de Beethoven semble toujours d’actualité. Ce désir de solidarité entre les différents peuples qui s’est récemment manifesté, Beethoven l’avait déjà exprimé dans ses œuvres », tient à préciser Caeyers. 

 

Quelle ironie du sort, particulièrement cruelle, de voir la planète entière trembler sous la menace d’une microscopique « bestiole » venant faire sa loi face à des soi-disant grandes puissances, incapables de camoufler leur impuissance. La communauté musicale a été aussi touchée de plein fouet. A travers la planète, tous les concerts dont ceux dédiés à Beethoven ont été annulés pour tenter de contenir la pandémie qui se répand à une vitesse effrénée. « Parfois, l’abstinence est essentielle car elle nous donne le sentiment que nous manquons de quelque chose de très important. Vous voyez donc que les concerts auxquels nous assistions ne doivent pas être tenus pour acquis. J’espère qu’après cette crise, les politiciens du monde entier comprendront enfin l’importance de la musique, et particulièrement celle de Beethoven, dans notre société », indique le maestro avant d’ajouter que pour cette saison, il craint que les orchestres aient perdu l’élan mais pourraient « peut-être se rattraper au début de la saison 2020-2021 en ce qui concerne les commémorations de l’anniversaire de Beethoven ». Il ne cache cependant pas son sentiment « qu’il y avait un certain overkill, une sorte de surcharge de concerts dédiés à Beethoven » et dont « le filtrage n’aurait pas été une mauvaise chose car je crains, après tous ces excès d’initiatives en 2020, qu’on n’entende plus parler de Beethoven pour un certain temps ».

 

Jamais deux sans trois, Jan Caeyers, le musicologue et chef d’orchestre, est aussi le célèbre auteur de la biographie de Beethoven dont la version en langue anglaise a été reconnue comme étant la biographie de référence par la Beethoven-Haus à partir de cette année : « J’ai écrit ce livre, il y a plus de dix ans déjà et, pour vous dire la vérité, plus ou moins sans ambition ». Caeyers raconte qu’en 2010, il vivait un moment difficile, après avoir démissionné de son poste, en tant que directeur musical d’un orchestre et durant l’année sabbatique qu’il s’est imposée, il a entrepris une petite étude d’une centaine de pages sur Beethoven lui servant de « base pour la formation d’un orchestre purement dédié à Beethoven ». Contrairement au célèbre proverbe arabe, le vent a soufflé au gré du navire du chef d’orchestre et « au lieu d’une année de travail, cela m’a pris trois ans et à la place de cent pages, j’en ai écrit sept cent ». Profitant de sa double identité de musicien et musicologue, il est parvenu à écrire « avec élégance et sans aucune pression, avec une liberté intellectuelle et mentale, un ouvrage qui joint à la fois l’aspect scientifique et littéraire, ce qui le démarque des autres biographies trop scientifiques, non accessibles au grand public ou trop lyriques sans aucune base scientifique ».

 

En outre, Caeyers précise qu’une partie de son ouvrage a été éliminée « à la demande de l’éditeur de la Beethoven-Haus qui m’a conseillé de ne pas publier un livre au-delà de 700 pages qui pourrait perturber le lecteur ». Il ajoute que les chapitres éliminés « pourraient constituer le noyau d’un nouvel ouvrage sur la musique de Beethoven, sous le regard d’un chef d’orchestre pour donner la chance aux lecteurs de percevoir comment cette musique s’est développée, en abordant notamment les œuvres principales». Par ailleurs, hormis ses concerts en Europe, Jan Caeyers allait donner une visioconférence intitulée « L’importance de Beethoven et son mythe » dans le cadre de la première édition du Festival Sostenuto au Liban, reporté pour des circonstances que l’on sait. « Je salue énormément cette initiative et je souhaite à ce festival beaucoup de succès. C’est le droit et le devoir de tout artiste de transmettre sa passion et sa vision de la musique. Une fois que la crise passera, je serai honoré de participer au Festival Sostenuto et de m’adresser au public libanais ».  

 

C’est un message très émotif que Jan Caeyers rend à ce « sourd qui entendait l’infini » (Victor Hugo): « Merci de m’avoir guidé et influencé durant toutes ces années. C’est bien grâce à toi que j’ai pu en arriver là ».  

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