Du 1er au 6 avril s’est tenu au Cinéma Royal de Bourj Hammoud le festival Beirut Animation Nights. Ce sont au total 67 court-métrages venus du monde entier qui ont été projetés sur grand écran, rassemblés par catégories selon les thèmes qu’ils recoupaient. Drôles, tristes, engagés ou conceptuels, la grande diversité de ces films a mis en lumière la multiplicité des moyens d’expression que permet le dessin animé. Présent aux projections du 3 et 4 avril, l’Agenda Culturel vous partage ses coups de cœur.
Jeudi 3 avril : Little big world
La sélection Little big world proposait 12 films de 2 à 15 minutes. Ces court-métrages témoignaient de diverses cultures, traditions et expériences humaines.
● « Percebes » de Alexandra Ramires et Laura Gonçalves (2024, Portugal/France)
C’est l’été dans l’Algarve, au sud du Portugal. Un petit village côtier vit au rythme de la pêche et du flot continu de touristes venu déguster le percebes (pousse-pied), petit crustacé rare et très prisé. Pour arrondir leur fin de mois deux amis le ramasse au petit matin, ils se confient l’un à l’autre leur fascination empreinte de respect pour l’océan. Sur le marché, une poissonnière expose à une foule de curieux la manière de manger le fruit de mer. Dans la cuisine d’un restaurant, le patron et son cuisinier se plaignent de l’envahissement des touristes dont ils dépendent malgré eux. Sur les tables, les clients avides saisissent par poignées le précieux crustacé qu’ils engloutissent à la pelle.
L’avis de la rédaction : Couleurs vives, montage immersif, dessins délicats et aérés, le film nous propose de découvrir le quotidien des habitants de l’Algarve au rythme du cycle de vie du pousse-pied. Percebes célèbre la nature et les hommes qui lui sont proches, et déplore leur exploitation dans une fine critique de la surconsommation et de l'over tourisme.
● « Nun or never » d’Heta Jäälinoja (2023, Finlande)
L’harmonie d’une communauté de religieuses se trouve mise à mal quand l’une d’entre elles déterre du potager… un homme. Chamboulée par cette découverte, la jeune religieuse ne parvient plus à suivre le rythme bien huilé du couvent, tiraillée entre son désir inavouable de le revoir et la discipline collective.
L’avis de la rédaction : Avec cette fiction poétique et enlevée, Heta Jäälinoja aborde avec subtilité les désirs secrets des femmes qui, dans certaines communautés, défient les règles établies. Une ode à l’intimité, alors que la religieuse va peu à peu découvrir que chacune des membres du couvent possède elle aussi son propre univers.
Vendredi 4 avril : Politics of a body
Les 9 films rassemblés dans ‘Politics of a body’ exploraient le thème de l’identité dans sa vulnérabilité face au dynamique de pouvoir et d’influence, mais aussi dans son rapport au corps et à la sexualité.
● « Uncertified document » de Nahee Yang, Ximing Li, Ying Wan, Hao Wang (2024, France)
Mr Everest s’abrutit au travail dans un immense open-space. Sa tâche : tamponner à répétition d’innombrables documents. Désabusé et surmené, il s’écroule subitement sur son bureau d’une fatale crise cardiaque. Alors quand on annonce à son âme qu’elle est admise au Paradis, Mr Everest laisse éclater sa joie : enfin l’éternel repos et le bonheur tant attendu ! Mais arrivé face au céleste fonctionnaire, problème : dans le cloud divin, le bonhomme est enregistré au nom de Neverest. Une erreur qui l’entraîne dans un immense mic mac administratif, où il est bringuebalé de secrétaires maussades en escaliers interminables, collectionnant la paperasse et perdant peu à peu espoir.
L’avis de la rédaction : Une fable légère et cynique qui développe sa propre version de la vie après la mort. Dieu y est un chef d’entreprise goguenard et farceur, son royaume une administration complexe et éreintante. Un récit dynamique et plein d’humour, qui nous apprend, à l’instar de Mr Everest, que le bonheur n’est pas toujours conforme à la manière dont on se l’imaginait.
● « Luz Diabla » de Gervasio Canda, Patricio Plaza et Paula Boffo (2025, Argentine)
Le court métrage narre le périple de Martín, jeune adepte des raves parties, fuyant une soirée trop ennuyeuse à son goût pour la scène plus endiablée de « DJ Sebastían ». Mais un accident de voiture le coince au beau milieu de la pampa argentine, tandis que la drogue ingérée au volant commence à faire effet. Il trouve alors refuge dans une mystérieuse taverne où l’attendent deux « gauchos », aussi énigmatiques que menaçants. Tandis que sa perception se distord, Martin prend peur et décide de s’enfuir, ignorant la mise en garde de ses hôtes contre une force mystérieuse qui hanterait les environs. Rêve et réalité se mélangent, et notre héros se trouve pris au piège d’un phénomène paranormal.
L’avis de la rédaction : Dans cette fiction aussi fantaisiste que fantastique se rencontrent, non sans humour, folklore sud-américain et culture queer. Deux mondes que tout semble opposer, et pourtant. Ce qui s’apparente d’abord à de la défiance se révèle être de la bienveillance et des parallélismes se dessinent entre les univers. Partout, les normes sont floues, et le genre se trouve questionné autant que la réalité elle-même.
Mathilde Lamy de la Chapelle et Briac Saint Loubert Bié
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