« Mais fichez-nous la paix » à l’Institut français
09/04/2025|Mathilde Lamy de la Chapelle
Une entrée en matière que l’on n’aurait pu inventer pour « Mais fichez-nous la paix ». Prévu le 28 mars, le vernissage de l’exposition a dû être annulé à la suite des frappes israéliennes sur Beyrouth. Comme si la guerre, ici tournée en dérision, tentait de s’imposer de nouveau. Mais les évènements n’ont pas empêché la salle Montaigne d’accueillir les premiers curieux dès le lendemain. Une inauguration en demi-teinte donc, dont l’exposition est sortie victorieuse en prouvant tout à la fois son actualité et sa nécessité.
Une exposition à l’humour décalé, incisif, tendre aussi
« Mais fichez-nous la paix : l’amour, l’humour, la guerre, la paix » est le fruit d’une collaboration entre le dessinateur français Serge Bloch, auteur bien connu des petits et des grands par ses fictions « Max et Lili » et « SamSam », et la star du stand up libanais, Chaker Bou Abdalla. Une exposition autour de laquelle se sont réunis les genres – la scène et le dessin, les cultures, les langues, avec pour traits d’union le rire, l’art et le partage.
Une même envie aussi : celle d’alléger grâce à l’humour un quotidien assombri par la guerre et son souvenir. L’exposition, qui s’adresse autant aux adultes qu’aux plus jeunes, et notamment à un public scolaire, est à la fois ludique et interactive. Les illustrations de Serge Bloch invitent à se plonger dans un monde à hauteur d’enfant, où le rire et le jeu devraient être les seules préoccupations. On apprécie les dessins, pareils à des tags, placardés sur les murs de la salle Montaigne, les planches de BD en accordéons ainsi que les « photobooth » permettant de se grimer en personnage fantaisiste, comme une invitation à s’immerger dans un univers sens dessus dessous, à prendre de la distance avec le monde réel pour le regarder de loin et pouvoir en rire.
« On peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui » ?
L’exposition se lance un vrai défi : celui de « rendre léger ce qui est désespérément lourd », selon les mots de Serge Bloch. Pari difficile mais réussi, à quelques détails près. On rit mais on rit jaune tant l’exposition attaque avec justesse et véracité les outrances de la guerre. Les manipulations du pouvoir sont pointées du doigt et chacun en prend pour son grade : militaires, politiques et profiteurs de troubles.
Sans faire oublier la noirceur du tableau, les dessins enfantins de Serge Bloch parviennent à nous convaincre que, face à une telle absurdité, la dérision demeure la meilleure des contre-attaques. La plus sage et la plus efficace aussi. On pense à la remarquable illustration animée de l’album L’ennemi de David Cali, dans lequel deux soldats, isolés dans leurs tranchées, se surprennent à découvrir l’humanité de l’autre. « Je veux arrêter cette guerre, mais comment faire ? ».
Une exposition à découvrir en famille avant le 30 juin.
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