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Entre Amnistie et Amnésie : Georges Khabbaz

11/04/2025

À l’occasion des 50 ans du début de la Guerre civile libanaise (1975- 1990), « Entre Amnistie et Amnésie, où est passé le souvenir de la Guerre civile ? » est une série d’articles publiée par l’Agenda Culturel. Cette tribune offre un espace d’expression pour partager des souvenirs, des ressentis, ainsi que des blessures et cicatrices (parfois encore douloureuses) laissées par la Guerre civile. Les questions s’adressent à toute personne souhaitant partager son témoignage et ses réflexions dans un esprit de dialogue et de sensibilisation, afin de contribuer à prévenir tout retour à la violence.

 

Témoignage de Georges Khabbaz, auteur, acteur, chanteur et artiste.

 

En repensant à la Guerre civile, quels souvenirs ou récits marquants vous viennent à l'esprit ? Qu'ils aient été vécus directement ou transmis par la famille et les amis, comment ont-ils façonné votre identité ?

Je suis né en 1976. Mes premiers souvenirs remontent aux années 80. Ce qui m’avait le plus marqué pendant la guerre, du haut de mon jeune âge, c’est comment les gens pouvaient surmonter la perte des êtres qui leur sont chers, alors que moi je me morfondais quand quelqu’un de toujours vivant me manquait. Je me disais aussi à l’époque que si je perds un objet chez moi, je ne dors pas de la nuit pour le retrouver alors que dire des personnes qui ont perdu leur maison, qu’elle ait été détruite ou qu’ils aient été obligés de fuir ? Je voyais les réfugiés dans les écoles dans les années 80 et cela m’affectait énormément. Et aujourd’hui je retrouve ce même sentiment.

 

La Guerre civile a-t-elle laissé des traces dans votre vie aujourd’hui ? Si oui, lesquelles ?

Oui la guerre a laissé ses traces. De façon négative certes, mais aussi de façon positive. Je l’ai transformé en art. Mais ce qui m’a le plus marqué, est un évènement survenu avant ma naissance : la mort de mon oncle à 33 ans à cause de la guerre. Mon père est toujours affecté et cela m’a poussé à me poser des questions sur les raisons pour lesquelles pourquoi un homme en tue un autre.

 

Dans vos moments de réflexion, comment exprimez-vous ou gérez-vous vos pensées et vos sentiments liés à la guerre ? Est-ce à travers des conversations, des œuvres artistiques, le silence ou d'autres moyens ?

Une grande partie de mes écrits sont basés sur des questions métaphysiques, sur l’amour, sur la patrie. Tout ce que j’écris est relié à notre patrie comme une réponse à ce que nous avons vécu pendant la guerre et notre sentiment d’appartenance – ou pas – à telle ou telle région du pays et le déni de l’autre. Je m’exprime par la plume, par le théâtre, par la musique, mais aussi et la plupart du temps, je m’exprime par le silence et la méditation. Comment savoir se protéger pour éviter, dans les moments de colère de tomber dans les écueils de la haine de l’autre.

Mon oncle n’était pas un combattant et n’appartenait pas à un parti et il a été tué sur la route. Il était innocent et il est mort en victime. Et ces questions se posent : combien de victimes innocentes ont été tuées. Combien et comment leur absence a affecté les personnes de leur entourage ?

 

Les guerres de 2006 et 2024 ont-elles fait resurgir des moments, des réflexes ou des émotions de la Guerre civile ?

Bien sûr quand une nouvelle guerre survient au Liban, j’ai peur que l’on soit divisé à nouveau et que l’on tombe dans une nouvelle guerre civile. C’est pourquoi j’ai créé la pièce de théâtre « Khyel Sahra » parce que je sens que n’importe quand on peut retomber dans l’erreur que l’on avait faite de se diviser. Cette peur et cette crainte ne me quittent pas. Cela se reflète dans mon travail. Je prêche toujours pour plus d’humanité, pour percevoir l’autre avec bienveillance.

 

Quand vous racontez vos souvenirs de la guerre aux jeunes générations, quel(s) message(s) voulez-vous leur transmettre ?

Je lance un appel à tous les jeunes qui voudraient avoir mon avis sur la guerre de venir voir la pièce de théâtre « Khyel Sahra » du 17 juillet au 17 aout au Casino du Liban pour qu’ils comprennent ce qu’il s’est passé durant la guerre, et surtout, quelles ont été les conséquences. Et il faut absolument que l’y ait un sursaut dans la société et que par la force de la foi nous développions une pensée humaniste qui nous évitera de tomber dans les mêmes erreurs. 

 

Aujourd’hui, trente-cinq ans après la fin de la guerre civile et plus de cinq années de crises violentes et éprouvantes, comment envisagez-vous l’avenir du Liban ? Quel rôle pensez-vous pouvoir jouer pour construire cet avenir ?

Moi je suis toujours positif pour le Liban. Nous nous devons de toujours espérer. Il faut qu’il y ait un éveil citoyen pour finir des tensions et querelles entre nous. J’espère que de meilleurs jours nous attendent, car il est temps ! Je suis né durant la guerre, j’ai grandi durant la guerre, je vis encore dans la guerre et je ne veux pas mourir dans la guerre !


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