C’était une journée inoubliable pour douze jeunes compositeurs libanais et une vingtaine de personnalités de monde musical, aux côtés de Gabriel Yared dans la résidence musicale de Beit Tabaris. « Nous avons été transportés hors du temps », « joie et émotion » était les mots qui revenaient le plus souvent aux oreilles des organisateurs, à l’issue de la rencontre.
Car Gabriel Yared est un grand compositeur mais il sait aussi raconter une histoire. Et quelle histoire ! La sienne qui commence au Liban, se poursuit au Brésil, éclot en France et enfin essaime à travers le monde entier avec son lot de récompenses (Oscar, César. Bafta, Golden Globe etc.)
Pour les parents de Gabriel Yared, dans le Beyrouth des années 1960, la musique ne peut constituer un métier. Mais le jeune homme a le feu sacré et la musique est sa passion. Il s’inscrit à la faculté de droit de l’Université Saint Joseph mais, en fait, passe ses journées à la tribune de l’orgue de l’église de l’université et dévore tout ce qu’il trouve comme partitions à sa portée. D’ailleurs le dimanche matin, il est l’organiste de trois églises et court de l’une à l’autre : Saint Joseph à la rue Monnot, les Capucins au centre-ville et Saint François à Hamra.
Le Liban des années 1970 n’offre hélas pas beaucoup de débouchés à un musicien de cette trempe et, bientôt, il lui faut partir pour assouvir pleinement son amour de la musique et s’épanouir sous d’autres cieux. Ce sera le Brésil où il passe 18 mois et dont la musique sera pour lui une grande source d’inspiration, puis la France où il commence une carrière d’arrangeur pour les grandes vedettes de l’époque. Johnny Halliday, Françoise Hardy, Jacques Dutronc et bien d’autres.
Mais Gabriel veut composer. Il a déjà commencé à le faire et a suivi l’enseignement du grand Henri Dutilleux à l’Ecole normale de musique de Paris. Toutefois il ne maitrise pas encore suffisamment les outils de l’écriture : harmonie, contrepoint, fugue etc. Qu’à cela ne tienne, il suffit d’apprendre ! Gabriel se plonge alors dans l’étude des matières théoriques et bientôt la première commande pour une musique de film arrive, il s’agit de Sauve qui peut la vie, de Jean-Luc Godard. Tout va s’enchaîner très rapidement et déboucher sur les chefs d’œuvres que l’on connaît : L’Amant, Camille Claudel, le Patient anglais, Mr Ripley, Cold Mountain, Azur et Asmar et tant et tant d’autres.
La rencontre de Beit Tabaris est pour Gabriel Yared l’occasion d’inviter les présents à « entrer dans son laboratoire ». Peu de compositeurs ont la générosité de dévoiler ainsi leurs « secrets de fabrication ». Il explique chacune de ses œuvres, montre des partitions, passe des extraits de film, raconte avec humour et sincérité la genèse de chacune de ses musiques et donne des exemples au piano. La salle retient son souffle, la qualité d’écoute est exceptionnelle.
A la fin de cette journée dense et passionnante, Gabriel Yared évoque un volet de son œuvre que l’on connaît moins, celui de la musique de ballet. Il a en effet collaboré avec d’importants chorégraphes dont Carolyn Carlson, Roland Petit ou, plus récemment, Wayne McGregor.
Gabriel Yared est un artiste qui aime transmettre. Avec cette rencontre, il a offert un moment rare à de jeunes compositeurs libanais, qui ont recueilli ce précieux enseignement avec un grand bonheur, presque religieusement, et qui s’en souviendront certainement encore longtemps.
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