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« Intangible », un témoignage socio-politique immersif à la galerie Tanit

17/12/2024|Nora Lebbos

L’exposition collective « Intangible » à la galerie Tanit du 27 novembre au 5 janvier prochain présente en vidéos, films et animations la perspective engagée de dix artistes. Rencontre avec la fondatrice et directrice de la galerie Mme Naila Kettaneh Kunigk.

 

Pour Naila Kettaneh Kungik, il était essentiel de maintenir l’offre artistique à Beyrouth mais de « ne pas imposer à un artiste de venir exposer alors que les gens ont autre chose en tête » avec la guerre dont nous avons été victimes. Mais également il était important pour elle de proposer dans un autre langage artistique différents témoignages s’écoulant sur plusieurs années.

 

Randa Mirza, The Sniper, 2000-2002


Ainsi, elle pense avec son équipe aux médias de l’audio-visuel (animation, films et vidéos) afin de faciliter la logistique et maintenir le message artistique malgré la situation.

 

Les dix artistes choisis ; Abel ABIDIN, Abed AL KADIRI, Sadik Kwaish ALFRAJI, Ziad ANTAR, Zena ASSI, Fouad ELKOURY, Gilbert HAGE, Randa MIRZA, Kevork MOURAD et Charles SANDISON, déjà collaborateurs de la galerie, présentent une perspective artistique unique sur des questions socio-politiques allant des traumatismes de la guerre, à l’immigration, à l’irresponsabilité politique ou à la menace latente de conflit.

Zena Assi, Ecce Homo, 2022

L’immersion est directe et totale ; dès que l’on franchit le seuil de la galerie, nous sommes plongés dans l’obscurité et projetés au centre de conversations vivantes ou animées. Ce sont autant d’expressions de multiples facettes d’une mémoire qui cherche à exorciser la souffrance à travers l’acte de création.


Ainsi en est-il de la vidéo d’Adel Abidin où un groupe d’enfants se tient debout les mains sur les yeux, ils ont du mal à rester droit, cette position nous le sentons est imposée et les met mal à l’aise. Cette tyrannie de ne pas voir, de ne pas bouger est intenable.

 

La vidéo jouxte les animations de Sadik Kwaish Alfraji et Zena Assi. Dans le premier, l’artiste rend un hommage poétique à Ali, cet enfant rencontré à Bagdad et qui souhaitait partir avec lui. Ce bateau d’Ali, l’artiste en fait le sien dans un imaginaire enfantin qui porte la mémoire de cocons bienheureux, loin d’une réalité qu’on souhaite fuir.

Dans le second, Zena Assi, peint un monde surréaliste chaotique où des créatures imaginaires figurent les états de guerres et violences humaines.

Fouad Elkoury, Lettres à Huguette, 2021

A partir d’une interview d’Huguette Caland, Fouad Elkoury met en parallèle le témoignage de l’artiste sur son immigration et ses souvenirs avec les soulèvements libanais de 2019, comme un parallèle générationnel d’une crise latente encore non résolue dans notre pays.

 

Dans sa vidéo, Gilbert Hage donne la voix à différents artistes libanais sur leurs expériences traumatiques de l’explosion du Port de Beyrouth. « Je pleurais, je ne pense pas avoir pleuré autant de cette façon avant » ou « mon lit était couvert de débris de verre » peut-on entendre de la voix de ces artistes qui représentent les voix tues et non encore écoutées de tout le peuple victime.

 

Kevork Mourad filme un danseur dont les mouvements sont capturés et créent une forme fixe, tels des fils barbelés encerclant les personnes qui souhaitent immigrer et se retrouvent piégés dans un carcan inconnu et oppressant.

 

Ce carcan oppressant nous le retrouvons dans la vidéo dynamique des peintures d’Abed Al Kadiri où des personnages et squelettes dansent dans un paysage traumatique et macabre.
Abel Abidin, A vision of the Future, 2017

« The snipper » de Randa Mirza nous plonge dans l’angle d’un tueur perché dans un immeuble rescapé de la guerre civile libanaise, où l’artiste se sert de sa caméra comme d’un fusil pour capturer ses « victimes », le tout en noir et blanc.

 

La vidéo de Ziad Antar témoigne elle d’une mémoire séculaire à travers la tradition culinaire du Mdardara. Loin d’un acte isolé, cette vidéo est également l’acte engagé d’une mémoire qui veut rester vivante et témoigner d’une culture malmenée par les oppressions et immigrations forcées.

 

Enfin, l’œuvre de Charles Sandison à travers l’IA offre une simulation en rouge et blanc de pions en constant conflit entre le bien et le mal. C’est une bataille gagnée ni par l’un ni par l’autre, mais là encore une sorte de danse qui appelle à une nouvelle vision, voir un nouveau monde.

Charles Sandison, 2024

« Intangible » comme l’explique Ibrahim El Khatib dans la présentation de l’exposition, « ce sont les émotions crues et les réactions instinctives aux réalités vécues et perçues ». « C’est quelque chose qu’on ne peut pas saisir » ajoute la directrice de la galerie.

 

Cette exposition a ainsi le mérite d’offrir au public des perspectives artistiques sensibles pour dépeindre des réalités traumatisantes. La galerie Tanit manifeste ainsi un engagement artistique nécessaire et salutaire afin d’aider à exorciser les images et émotions stockées dans nos subconscients.

 

Pour Naila Kettaneh Kungik le rôle des galeries « est de continuer à représenter les artistes et aider à informer le public ». Car « dans tout ce qui se passe, nous essayons de montrer que la beauté est également présente ».

 

Ainsi en est-il de ces montages vidéo et animations qui par la force de leurs visuels et de leurs témoignages offrent la beauté de l’Art dans son rôle d’écho collectif pour les voix qui ne savent trouver les mots ou qui ne sont pas entendues.

 

Les prochains événements de la galerie : la signature du livre de Randa Mirza « Beirutopia » le 27 décembre et une prochaine exposition collective le 15 janvier.


Pour en savoir plus, cliquez ici


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