À l'âge de 13 ans, j’étais en 5ème, au Collège International, l’IC. Nous habitions le quartier de Caracas, à 2 ou 3 kilomètres de l’IC située à la rue Bliss.
J’allais tous les matins à l’école à pied, parcourant la rue Kalaa puis la rue Sadate pour aboutir à Bliss.
Et je retournais à pied, en faisant des crochets à travers Hamra et ses ruelles, m’arrêtant déguster un éclair au chocolat chez Bourgeoise, ou faire une partie de flipper au Barbarella.
On se réjouissait les jeudis et les samedis car c'était des demi-journées à l'école. On allait flâner à Hamra, passer au Piccadilly Circus le centre d’amusement 'cool', voir un film au cinéma Eldorado, et déguster un chocolat mou au Wimpy ou un gâteau aux bananes chez l’Express.
De temps en temps durant nos flâneries, nous entendions soudain, quelqu’un crier apeuré:
« hrobo ya chabeb! ejet el sittaach ! »
(Fuyez les gars ! la Brigade 16 est arrivée !)
Et juste après; des Jeeps et des Pontiac ‘stations wagons’ surgissaient de nulle part, bourrés d'éléments de la police, intimidants, coiffés de bérets rouges, débarquaient sur fond d'un cliquetis d'armes en criant et sommant les gens ; ils investissaient les lieux, menottaient des individus douteux, les embarquaient puis quittaient.
Et juste après, la rue retournait à sa vie normale, comme si de rien n’était…
La Brigade 16 était passée … comme un bref ouragan ...
Personne n’osait s’approcher lorsqu’elle arrivait.
C’était la terreur des trouble-fête.
Elle débarquait automatiquement et rapidement là où il y avait du grabuge... Et y mettait fin ...
Lorsqu’il y avait une rixe quelque part dans la ville, dès que la station wagon de la Brigade 16 quittait la caserne Hélou la nouvelle arrivait chez les bagarreurs qui prenaient tout de suite la poudre d'escampette.
Il fallait vite s’éloigner pour éviter d'être pris dans son tourbillon, recevoir une rossée ou être arrêté.
Après le début de la guerre civile, avec l’émergence des milices armées, la Brigade 16 se ternit petit à petit et fut engloutie avec tout ce qui était bien dans le pays.
Il y a quelques jours, durant le discours de serment de notre nouveau "président-Joseph", porteur du nouvel espoir, mes pensées partirent soudain vers la Brigade 16 .
Je me dis tout bas qu’il fallait absolument la recréer cette Brigade 16. Pour qu’elle s’occupe de ces voyous qui se regroupent en motos et sèment la terreur à leur guise ou aux instructions de leurs mentors, dans les rues de Beyrouth.
Une retentissante paire de claques au besoin, un petit séjour en taule, et adieu les fanfaronnades... C’est ce qu’il nous faut, aujourd'hui, sans attendre.
Lorsque Fouad Chéhab fut élu et prit ses fonctions de président de la république en septembre 1958, à la suite des évènements sanglants qui eurent lieu dans la rue, il forma vite un gouvernement, dans lequel il attribua le portefeuille de ministère de l’Intérieur à Raymond Eddé, connu pour sa fermeté et son intégrité.
Avec pour priorité de rétablir l’ordre et la paix civile dans le pays…
Raymond Eddé, nomma le lieutenant-colonel Aziz el Ahdab, commandant de la police, et entreprit un travail acharné pour restaurer le prestige de l’État libanais et l’état de droit.
Al-Ahdab à son tour, chargea le commissaire Moukhtar Itani de sélectionner 100 membres dotés d’une force physique supérieure et de courage, qui suivirent un entraînement intensif aux combats durant trois mois au camp d’entraînement des commandos de l’armée libanaise, avec l’assistance d’experts italiens.
La Brigade 16 était née.
Son objectif était de réprimer le chaos, affronter les hors-la-loi et rétablir la sécurité dans la capitale.
Ses éléments portaient les fameux bérets rouges qui portaient ses initiales, en arabe ; ف١٦ .
Ils furent équipés de mitrailleuses légères et de pistolets Smith and Wesson, et circulèrent dans des jeeps dotées d’équipements de communication. Ils effectuèrent des patrouilles de sécurité constantes à Beyrouth et commencèrent à circuler nuit et jour dans la capitale, pour rassurer les citoyens.
Leurs efforts servirent de modèle à la politique du Président Chéhab, qui attachait la plus grande importance à la reconstruction des institutions de l’État et au renforcement du prestige du pouvoir à un moment délicat de l’histoire du Liban.
Au cours des quatre premiers mois de sa création, la 16e Brigade ferma des locaux qui distribuaient des pots-de-vin à certains policiers, et à un certain nombre de magistrats et de personnes influentes. Elle lutta également contre les réseaux d’esclaves et de drogue, arrêta les criminels recherchés et protégés par certains politiciens.
Après cela, le nombre de ses membres passa à cinq cent.
Ils effectuaient des patrouilles 24 heures sur 24, dans tous les quartiers de la capitale en coordination avec une salle d’opérations équipée d’appareils de communication avancés.
La 16e Brigade imposa le prestige du pouvoir et protégea la sécurité de Beyrouth et de son peuple avec courage et intégrité, et répandit le soulagement parmi la population, jouant un rôle central dans l’établissement de la stabilité à Beyrouth pendant cette période sensible de l’histoire du Liban.
Elle poursuivit les voyous et les contrevenants à la sécurité, pourchassa sans relâche les criminels et les hors-la-loi, et réussit à arrêter de nombreuses personnes recherchées dangereuses. Elle fit respecter la loi et devint un symbole du prestige de l’État, dissuadant quiconque tentait de contourner la loi ou défier l’autorité de l’État.
Avec une réputation « d’invincible » , la Brigade 16 se répandit, incitant tout le monde à rester à l’écart de la confrontation avec elle, même s’ils étaient en grand nombre.
Sa présence devint suffisante pour disperser les rassemblements illégaux et prévenir toute menace à la sécurité, la rendant à la fois respectée et crainte. Elle devint capable de dissuader les crimes avant qu’ils ne se produisent grâce à son intervention rapide et à sa fermeté.
Le prestige de l’État et sa souveraineté furent ainsi restaurés, et la 16e Brigade fut une station brillante dans l’histoire de la sécurité libanaise.
Aujourd’hui notre cher 'président-Joseph', est appelé à trouver des Raymond Eddé, des Aziz el Ahdab et des Moukhtar Itani, pour mettre fin à toute cette mascarade qui nous a conquis et malmenés durant 50 ans.
Et nous ramener aux bon vieux temps de la Brigade 16 …
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