Il y a des jours où je sens le temps filer si vite que je ne sais plus quoi faire ni à quoi m’attaquer.
Tous les samedis je passe à la librairie pour en sortir une heure plus tard avec quelques bouquins dans un sac.
En voiture sur le chemin du retour, je feuillette mes nouvelles acquisitions, l’une après l’autre ; dans chacune se trouvent, amassées, de précieuses informations écrites par d’autres gens, des choses qui me titillent la cervelle ... sur la vie, sur le pays, sur l’Histoire, et d'autres sujets aussi ...
Je parcours ainsi sur mon chemin du retour quelques lignes et quelques pages de chaque ouvrage, en attendant le moment où j’aurai le temps de les lire entièrement.
Arrivé chez moi je sors les bouquins du sac, je les dépose sur la table et commence ma lecture sur un canapé… pour m’arrêter une demi-heure plus tard et vaquer à autre chose aussi sur mon programme.
Le soir venu, je range les nouveaux bouquins sur les étagères.
Les semaines passent, et les ouvrages s’accumulent dans la bibliothèque, sans que j’arrive à les lire entièrement.
Le temps dont je dispose est insuffisant.
Plus les jours passent, plus les bouquins s’accumulent, et plus je sens le poids de visiter ces petits univers écrits, devenir un devoir qui me pèse et une frustration qui augmente à cause du manque de temps disponible.
Et lorsque je me trouve seul, je repars à l’exploration de ces grimoires qui se transforment en archives avec le temps qui s'écoule. Des archives pour abreuver mes soifs lorsque j’ai du temps à perdre.
'Du temps libre', comme on l’appelle plus couramment.
Et je fais mon bilan, constatant que je lis bien moins que ce qui s’accumule dans ma bibliothèque.
Entretemps, mes cheveux continuent à virer au gris, mon visage se charge de nouvelles rides, mes jambes se transforment en échasses et ma jeunesse m’abandonne un peu plus chaque matin.
Cette frustration du temps me rappelle un film amusant et déprimant à la fois, qui s’intitulait « Groundhog Day ».
Dans ce film, après une nuit de sommeil, Phil le héros, découvre avec stupeur que le programme qu'il entend à la radio est exactement le même que celui de la veille. Pire encore : les événements extérieurs de sa journée se reproduisent exactement à l'identique.
Sa première réaction est de percevoir cette situation comme une impression de déjà-vu.
Sa tentative de quitter cette journée se répète, et échoue à chaque fois, alors il rentre se coucher.
Et à chaque réveil, sur son écran, c'est à nouveau la même date que celle de la veille qui s'affiche.
Il comprend alors qu'il est coincé dans une boucle temporelle ; la même journée qui se répète continuellement sans que les gens autour de lui ne sachent.
Constatant que ses actes n’ont pas de conséquence sur le temps arrêté, Phil commence à se livrer à des crises de boulimie, à accomplir des activités dangereuses, utilisant sa connaissance des événements extérieurs de la journée qui restent les mêmes, pour les manipuler à son avantage.
Progressivement, il déprime et cherche désespérément un moyen de quitter cette boucle temporelle. Il se suicide plus d’une fois, mais à chaque fois, il se réveille à la même date.
Il se décide finalement à expliquer sa situation à sa compagne qui le croit et l'encourage à utiliser cette boucle comme une bénédiction plutôt qu'une malédiction.
Le matin suivant, il se réveille à nouveau à la même date.
Il utilise alors sa connaissance de la boucle pour se changer lui-même et aider les autres : il sauve les gens d'accidents mortels et autres malchances, il apprend à jouer du piano, à sculpter et parler le français.
Il apprend ainsi qu’à chaque boucle successive, il peut améliorer le déroulement de sa vie, la boucle temporelle lui permettant d’apprendre davantage, et au fur et à mesure que les boucles se succèdent, il atteint l’Épanouissement de sa vie.
Et la déprime de cette répétition, se transforme en bonheur.
Si notre horloge se bloquait un jour pour toujours, notre vie serait idéale, car on la revivrait chaque jour un peu mieux, et cela jusqu’à l’infini. Nos rides s’arrêteraient avec, notre chevelure blanchissante aussi, et nos échasses continueraient à fonctionner sans plus de détérioration.
Entretemps nos étagères continuent à se remplir, et les pages non parcourues s’accumulent avec elles...
ARTICLES SIMILAIRES
Quand Clau-dine met le Liban et Toulouse à la fête !
Noha Baz
10/03/2025
Chou Ostek Ward Selman ?
04/03/2025
Le monde d’Anne-Sophie, une imprégnation gastronomique Haute-Couture
Noha BAZ
03/03/2025
La toile de Dieu
Ramzi Salman
03/03/2025
France Médias Monde inaugure son « hub » régional à Beyrouth
27/02/2025
AGENDA CULTUREL #608 : Du 25 février au 24 mars 2025
26/02/2025
L'oeil « étranger»
Ramzi Salman
22/02/2025
La Sajerie, le pari réussi d’un prophète sage et poète
Noha BAZ
18/02/2025
De Beyrouth au reste du monde : Les trumpettes de Jéricho
Tania Hadjithomas Mehanna
13/02/2025
Décourvir l'Agenda Culturel du Liban en France #4
12/02/2025