L’association Patrimoine Tripoli Liban organise en collaboration avec l’Institut du Monde arabe (Paris) et l’Agenda culturel, un récital de piano donné par Abdel Rahman El Bacha, dans le cadre de la nomination de Tripoli Capitale arabe de la culture 2024 par l’ALECSO (Organisation arabe pour l’éducation, la culture et les sciences). Joumana Timery, fondatrice et présidente de Patrimoine Tripoli Liban répond aux questions de l’Agenda Culturel.
Que va-t-on entendre lors de ce concert intitulé « voyage enchanteur » ?
Un florilège d’œuvres de Abdel Rahman El Bacha, mais aussi du grand répertoire pianistique, notamment une sonate de Chopin. Une belle façon de faire dialoguer les cultures de l’Orient et de l’Occident.
Ce récital est le coup d’envoi d’une série d’événements à l’occasion de la nomination de Tripoli Capitale arabe de la culture 2024 ?
Oui, de nombreux événements seront organisés autour du thème de Tripoli en novembre prochain, notamment un colloque international à l’espace Niemeyer à Paris où il sera question bien sûr du célèbre site de la foire internationale construite par Oscar Niemeyer, qui est maintenant sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO et qu’il convient de penser à réhabiliter. Il y aura également des tables rondes, des conférences, avec projection de films, signatures d’ouvrages, expositions, moments musicaux, tous placés sous le thème du patrimoine culturel de Tripoli qu’il soit matériel, immatériel ou maritime, avec des intervenants de très haut niveau tels que Jad Tabet, Hadi Zakkak, Khaled Ziadé, Eddy Chouery, Tarek Mitri, Maha Kayal, Adel Afiouni etc.
Considérez-vous que la ville de Tripoli n’est pas suffisamment mise en valeur ?
Absolument ! Elle est complètement négligée et marginalisée alors qu’elle représente un lieu culturel d’une importance majeure, non seulement pour le Liban mais pour la région entière. Le patrimoine de Tripoli est totalement méconnu du grand public alors qu’il est d’une incroyable richesse. Tripoli a connu un bouillonnement culturel entre la fin des années 1940 et le début des années 1980. Elle a vu naître des salles de spectacles, de cinéma, elle a connu un renouveau théâtral, musical, cinématographique, artistique. Mais depuis, elle est à l’abandon et n’a pas cessé de se détériorer.
Qu’est ce qui fait que Tripoli est une ville à part ?
Sa richesse archéologique et culturelle qui est unique. Certains sites Mamelouks sont restés tels quels depuis le Moyen-âge. Evidemment ils sont extrêmement détériorés mais ils ont le mérite d’exister et d’être toujours là depuis l’époque : Hammams, mosquées, madrassa etc. Même le Caire qui est considérée comme la ville Mamelouk la plus importante, n’a pas ce patrimoine car la ville a été coupée en deux par l’installation d’une autoroute. Tripoli est la ville la plus riche de l’Est méditerranéen en matière de vestiges et de nombre de civilisations qui s’y sont succédé : grecque, romaine, byzantine, croisée, mamelouk… Des strates qui se sont superposées au fil des siècles.
Toutes ces merveilles ont-elles été inventoriées ?
Hélas non. Notre association n’a pas réussi à convaincre l’Etat libanais de faire un inventaire de toutes les richesses de Tripoli et c’est bien dommage.
Tripoli est également très riche en patrimoine immatériel ?
Oui, elle concentre un grand nombre de savoir-faire et d’us et coutumes tels les mawlawiya mystiques (dervicheries), les conteurs, les musiciens traditionnels et aussi les nombreux métiers d’art dont Tripoli a conservé le savoir-faire ancestral : savonneries, travail du cuivre, cordonneries, matelassage, soufflage du verre et d’ailleurs notre association travaille sur un centre de formation professionnelle pour protéger, pérenniser et transmettre ce savoir-faire qui existe depuis le Moyen-âge.
Tripoli est donc une ville laissée à l’abandon ?
Certainement. Et le fait qu’elle soit capitale de la culture pour l’année 2024 n’a rien suscité auprès de nos gouvernants, ni slogan, ni campagne même pas un petit timbre, rien ! Cette nonchalance fait que finalement les Tripolitains eux-mêmes ne s’intéressent plus beaucoup à leur ville et la quittent. C’est pour notre association le moment où jamais pour mettre un peu de lumière sur Tripoli, attirer l’attention sur elle, c’est notre façon de résister, par le biais de la culture. Les richesses architecturales et culturelles de Tripoli pourraient faire de la ville un phare si elles étaient exploitées. Figurez-vous que la foire internationale, aujourd’hui patrimoine de l’humanité, ne bénéficie même pas d’une photographie dans notre ministère du tourisme ! Il est vraiment temps d’y remédier.
A savoir :
Voyage enchanteur, Récital de Abdel Rahman El Bacha en faveur de Tripoli le vendredi 27 septembre à l’Institut du Monde arabe à Paris https://www.billetweb.fr/voyage-enchanteur1
Pour visiter virtuellement Tripoli :Map – Association Patrimoine Tripoli Liban (patrimoinetripoliban.com)
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