Résumer ses réalisations serait fastidieux et pourtant comment les esquiver ? Professeur à la NDU, fondateur et président de plusieurs festivals internationaux au Liban et à l’étranger, l’instigateur et le président de Beirut Film Society milite depuis 17 ans déjà pour la constitution d’un cadre formel à la production cinématographique libanaise.
Sam Lahoud ne fait pas de sa vie un cinéma, bien qu’il la lui consacre entièrement. Vous ne le verrez pas au-devant de la scène, mais suite à un film ou un documentaire quand il s’avance tout simplement pour animer un débat avec les spectateurs. C’est ainsi que je l’ai connu, en le voyant régulièrement à l’œuvre, après chaque projection qu’il avait choisie de figurer au programme d’un des nombreux festivals dont il est l’initiateur. Ignorant les décalages horaires, toujours présent, modeste et rudement professionnel, il donne la parole au réalisateur ou à l’actrice invitée, s’efface durant les rencontres mondaines pour laisser briller les productions cinématographiques et leurs auteurs.
Sur les réseaux sociaux, pas trop de bruit, son fil d’actualité se concentre sur l’info des annonces concernant le cinéma. C’est sur sa page de présentation que ses titres parlent pour lui.
Une fois n’est pas coutume, les Libanais ont pu l’entendre s’exprimer à l’occasion d’une imposante soirée de Gala au Casino du Liban, le 14 avril dernier, en la présence notamment de tout le gratin cinématographique. À cette 7ème ouverture de l’édition du Festival international du film féminin, qu’il a créé, c’est avec beaucoup d’émotion que le jeune orphelin de 8 ans qu’il était, rescapé de la guerre de 1975 a fait part de ses rêves qu’il poursuit et voit grandir jour après l’autre, malgré vents et marées.
Habité par une résilience à toute épreuve et une conviction profonde que l’art peut faire face à la violence et à la guerre, Sam Lahoud prouve tous les jours que la vie est plus forte que la mort. C’est ce sentiment qu’il insuffle à ses étudiants et qu’il porte lui-même : mettre à l’honneur le rôle pionnier des femmes au cinéma, distribuer les films et courts métrages locaux à travers le monde (le dernier festival du film documentaire organisé à la NDU, en novembre 2023 avait donné la voix à 70 productions et à plusieurs conférences), animer la scène cinématographique dans les régions, élargir les opportunités de travail aux jeunes, diffuser des films libanais au Canada et aux États-Unis, et très bientôt en Amérique latine -première édition le 29 août prochain au Mexique- puis au Brésil et en Argentine et plus tard en Colombie et au Venezuela.
Mais ce n’est pas tout.
C’est autour d’un café que le jeune père d’une étudiante à l’université a révélé un projet grandiose, de quoi élargir encore plus son horizon.
Une sorte de frénésie tout simplement intitulée Film Friendly Lebanon qui rêve de transformer le Liban en un terrain propice au cinéma, qui s’appuie sur une immense banque de données qui recenserait tout ce qu’il faut pour produire aisément des films au Liban, servi, comme on le sait, par des lieux idylliques, des paysages à couper le souffle, des studios extérieurs naturels, des talents certifiés et créatifs, un secteur hôtelier et de restauration de haut niveau, des éléments humains capables de fournir décors et accessoires, mais aussi des capacités de post-production sur place qui complèteraient la chaîne de production.
Une vision qui se concrétiserait dans une énorme cité cinématographique : « Depuis la Covid, le vent a tourné en faveur du Liban en ce qui concerne la production cinématographique : deux géants (Sabbah et Eagle) ont déjà installé leurs bureaux au Liban et tous les producteurs et annonceurs, autant pour le cinéma que pour la télévision y trouveraient leur compte. C’est le ministre du Tourisme, Walid Nassar lui-même qui a lancé ce projet qui lui tenait à cœur, à l’occasion de l’édition précédente du Festival du film féminin en avril 2023. Actif et entreprenant, il a tout de suite impliqué le Beirut Film Festival qui a aussitôt lancé un concours aux étudiants en architecture. Huit universités ont proposé 17 projets dont trois ont été retenus par un jury qui a finalement couronné celui de l’Université libanaise. Outre la récompense monétaire, le droit moral des gagnants sera conservé comme base d’élaboration définitive du projet. »
Pour le moment un terrain privé de 45 000 m2 a été offert à Jbail. Son propriétaire serait partenaire du projet en tant qu’investisseur. « Lebanon Cinema City est un projet de très grande envergure qui demande beaucoup d’investissements privés, la constitution d’un comité de direction avec des tenants du cinéma, une nouvelle législation notamment sur le système d’imposition (avec déductions d’impôt -cash rebate- toujours inopérant au Liban), etc.
Sam Lahoud croit ferme en ce hub ambitieux malgré toutes ses difficultés. « C’est un projet durable, touristique et culturel qui ne peut que marcher parce qu’au Liban tous les coûts de production sont nettement moindres qu’ailleurs : location, main d’œuvre douée et non fortement taxée, catering, location de matériel… A chaque étape, il peut être interrompu. Nous n’avons pas de gouvernement, ni de législation adéquate. De toute façon si nous commençons dès aujourd’hui, il nous faut 3 à 5 ans pour le mettre en marche ». Optimiste, il persévère néanmoins dans l’action : « Pour le moment, nous allons commencer à ramasser des données, un site web va être créé pour recenser online toutes les informations. »
Confiant malgré tout, Sam Lahoud s’accroche au momemtum exceptionnel, celui d’avoir à ses côtés le ministre du Tourisme, Walid Nassar à l’esprit entrepreneurial et qui croit dans Lebanon City Cinema : « S’il est dirigé avec transparence et vision globale comme nous le prévoyons, ce projet durable créerait des milliers d’emplois au Liban. »
Mais ce n’est toujours pas tout pour ce visionnaire passionné et dévoué à sa cause.
« Nous travaillons à rassembler dans un seul organisme toutes les sociétés de cinéma et il y en a beaucoup à part notre Beirut Film Society (qui regroupe plusieurs consultants du monde du cinéma et une quinzaine de personnes qui programment les festivals, les couvrent… pour la plupart des bénévoles) : Metropolis, Beyrouth DC, Fondation Liban cinéma… pour ne citer que quelques-unes. Nous avons fait une première tentative en mettant un plan d’action pour 10 ans, afin de créer une caisse commune qui développerait un certain nombre de documentaires, autant d’autres culturels, scientifiques, etc. Le but étant d’établir une politique générale avec le ministère de la Culture et le gouvernement qui solliciteraient des aides et subventions (US Aid, Union européenne, ONU…). Ce serait une commission unique et transparente qui éloignerait la concurrence déloyale avec des représentants de chaque société qui agiraient en tant qu’observateurs… Chacune d’elle serait en charge d’un aspect du secteur : festivals, documentaires, cinémathèque, etc. Nous avons plusieurs fois proposé cette approche qui a toujours été entravée par des obstacles de toutes sortes. Depuis 2019, tout est paralysé. Aucun budget n’est plus alloué au cinéma. Les caisses de l’État sont vides. »
Et de conclure : « Nous nous sommes malgré tout imposés sur le marché. Si les contacts de l’étranger se font via les ambassades auprès du ministère des Affaires étrangères ou de la Culture, ces derniers nous transfèrent les dossiers. Beirut Film Society demeure leur référence. »
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